Des salariés en pleurs, poussés à bout et dressés les uns contres les autres afin d'améliorer la productivité de l'entreprise. Cet enfer social serait le lot quotidien des cadres d'Amazon, d'après une enquête du très prestigieux New York Times publiée le week-end dernier. Un article qui suscite la controverse outre-Atlantique et qui a contraint le patron du géant américain de la distribution en ligne à monter au créneau.
• Une enquête New York Times accablante. Le quotidien a interrogé plus d'une centaine de salariés présents et passés. Résultat des courses : c'est un véritable management par la terreur que décrit la longue enquête, avec des salariés dressés les uns contre les autres pour améliorer la productivité. "Presque toutes les personnes avec qui je travaille, je les ai vues pleurer à leur bureau", a notamment raconté au journal Bo Olson, qui a travaillé au service marketing des livres. D'autres salariés racontent les emails reçus après minuit et suivis de SMS si ces derniers ne répondent pas suffisamment rapidement. L'article du New York Times conclut : Amazon mène "une expérience pour voir jusqu'où il peut pousser ses cols-blancs".
• Un contexte particulier. Amazon a déjà été mis en cause par le passé pour les conditions de travail qu'il impose notamment aux travailleurs de ses centres de traitement de commandes. L'article du New York Times sort toutefois alors que le cours de Bourse du groupe n'a jamais été aussi haut, et que Jeff Bezos est devenu l'une des personnes les plus riches du monde avec une fortune estimée récemment à 47,8 milliards de dollars dans un classement du magazine Forbes.
• Une réponse du patron d'Amazon. Le patron-fondateur d'Amazon, Jeff Bezos, également propriétaire du Washington Post, le principal quotidien concurrent du New York Times aux Etats-Unis, a réfuté les faits rapportés. Le New York Times "affirme que notre approche intentionnelle consiste à créer un lieu de travail sans âme, dystopique, où on s'amuse pas et où on n'entend pas de rires", a-t-il écrit dans un mémo adressé aux salariés, et publié sur plusieurs sites internet de médias.
"Je ne reconnais pas cet Amazon, et j'espère vraiment que vous non plus. Plus généralement, je ne pense pas qu'une entreprise adoptant l'approche décrite pourrait survivre, et encore moins prospérer, dans le marché hautement compétitif actuellement pour les embauches dans le secteur technologique."
• Un salarié au secours d'Amazon. Un salarié d'Amazon, Nick Ciubotariu, a aussi démenti les faits rapportés dans l'article, dans un blog publié sur le réseau social LinkedIn. "Nous travaillons dur, et nous nous amusons", écrit-il. Tout en disant avoir "entendu toutes les horribles histoires du passé", il assure toutefois : "Pendant mes 18 mois chez Amazon, je n'ai jamais travaillé un seul week-end sans le vouloir. Personne ne me dit de travailler la nuit. Personne ne me fait répondre à des courriels la nuit. Personne ne m'envoie de texto pour me demander pourquoi des courriels sont restés sans réponse."
Comme le souligne CNN, si on se fie aux résultats du site GlassDoor, qui recueille les avis des employés sur leur entreprise, 82% des salariés d'Amazon ont une bonne opinion de Jeff Bezos. Toutefois, seulement 62% recommanderaient à un ami de travailler à Amazon.
• Un déferlement de réactions. L'article a généré plus de 3.600 commentaires de lecteurs sur le site internet du New York Times et provoqué des réactions animées sur Twitter de responsables de la Silicon Valley. "J'ai discuté avec des centaines de vétérans d'Amazon, hommes et femmes, pendant vingt ans. Pas un seul qui ne pensait pas que c'était un bon endroit pour travailler", a indiqué Marc Andreessen, un investisseur de capital-risque bien connu dans la Silicon Valley.
I've talked with hundreds of Amazon vets, men & women, over 20 years. Not one didn't think it's a good place to work. http://t.co/AaIinOgvOr
— Marc Andreessen (@pmarca) 17 Août 2015
Les consommateurs sont eux divisés. Certains d'entre eux ont trouvé l'article suffisamment dérangeant pour renoncer aux services d'Amazon. "J'ai annulé mon adhésion à Audible, supprimé mon application Kindle, et ne ferai plus d'achats sur Amazon", affirme ainsi une lectrice du New York Times enregistrée sous le nom "Katie". D'autres en revanche défendaient l'entreprise. "Le travail n'est pas une garderie pour adultes", estime un autre lecteur baptisé "Seattle Guy".