Argentine : Javier Milei, un «mini-Trump» ou juste un air de famille ?

Javier Milei
Javier Milei est souvent comparé à l'ancien président américain Donald Trump. © Federico David Gross / Farocolectivo / HANS LUCAS / Hans Lucas via AFP
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avec AFP // Crédits photo : Federico David Gross / Farocolectivo / HANS LUCAS / Hans Lucas via AFP
Le président élu argentin Javier Milei est parfois comparé à un "mini-Trump" en référence à l'ancien président américain. Mais à y regarder de près, les dissemblances l'emportent sur les similitudes entre les deux hommes, aux parcours, origines et conditions d'émergence distinctes.

Offensif, agressif, voire insultant, surgi d'un espace de droite radicale avec un discours "anti-establishment", des thèmes libéraux... Le président élu argentin Javier Milei est parfois comparé à un "mini-Trump", "Trump de la pampa", en référence à l'ancien président américain. Mais à y regarder de près, les dissemblances l'emportent sur les similitudes entre les deux hommes, aux parcours, origines et conditions d'émergence distinctes. Même si les chaleureuses félicitations à Milei de Trump, comme de l'ancien président d'extrême-droite brésilien Jair Bolsonaro, trahissent un "air de famille", ou du moins des affinités.

 

"Argentina great again" ? 

Milei, comme Trump, évoque fréquemment le thème de la "grandeur retrouvée", en référence à "l'âge d'or" (environ 1870-1930) où l'Argentine, riche "grenier du monde", était "une puissance mondiale", "terre promise" d'immigration massive.

 "Très fier de toi (...) tu vas faire de l'Argentine à nouveau un grand pays", a lancé dimanche Trump dans son message de félicitations. Mais s'il rêve, grâce aux réformes libérales, de ramener l'Argentine "au niveau des États-Unis en 35 ans", le summum de la réussite pour lui, c'est plutôt l'Irlande "d'ici à 40 ans".

Quel libéral ?

Dans les faits, les références de Milei sont très argentines : il cite souvent un des pères de la Constitution, le théoricien libéral (1810-1884) Juan Bautista Alberdi, ou alors des purs économistes : néo-libéraux de l'"École de Chicago" ou le libertarien Murray Rothbard (en référence duquel il a baptisé ses quatre chiens). En politique, Milei cite comme références Ronald Reagan et Margaret Thatcher, s'ancrant dans la "révolution conservatrice" des années 80. 

De fait, économiquement, Milei, partisan d'une ouverture des marchés tous azimuts, "est un libertarien, tandis que Trump en est aussi éloigné que possible", avec sa fibre protectionniste et de défense d'une industrie nationale américaine, estime Michael Shifter, économiste du think tank Inter-American Dialogue à Washington. Trump est dans la "transaction", Milei davantage "un idéologue", image-t-il. Milei en réalité fait rarement mention à l'ex-président américain (2017-2021). La dernière fois en septembre à la TV américaine, il avait salué en termes généraux chez Trump "la défense des idées de liberté" et "la lutte contre le socialisme".

Pas du même monde

Milei s'est bâti une notoriété sur les plateaux TV, où il était depuis 6-7 ans un panéliste prisé, provocateur, buzz et audience assurés. Trump était aussi un visage familier avec ses émissions de téléréalité, avant de se lancer en politique. Le parallèle s'arrête là. Trump est avant tout un homme d'affaires, milliardaire, qui a fait fortune dans l'immobilier comme son magnat de père. Milei est issu de la classe moyenne, son père était chauffeur de bus qui créa sa PME de transports.

Et il s'est façonné dans le monde universitaire, professeur d'économie sans notoriété particulière, mais très fier de son titre d'"économiste", il vivait surtout de son travail de consultant dans le privé (un groupe gérant les aéroports). Des deux, c'est Milei l'outsider, "réellement un émergeant de l'anti-establishment", surgi en politique il y a deux ans, et créant son petit parti, La Libertad Avanza. Quand Trump a bâti sa conquête de la présidence sur l'appareil du Grand Old Party républicain, estime Gabriel Vommaro, politologue spécialiste des droites à l'Université de San Martin.

Milei, "produit argentin"

"Il y a un air de famille, sans aucun doute, mais c'est une erreur de les inclure sans nuances dans le même mouvement, sans tenir compte des particularités locales", estime Gabriel Vommaro.

La victoire éclatante de Milei (55,6% des voix) doit beaucoup à des circonstances argentines locales : un phénoménal ras-le-bol de vingt ans de gouvernements péronistes surtout (centre-gauche), et aussi libéraux "classiques" qui n'ont en rien su enrayer un marasme chronique et une inflation parvenue à 143%. Comparer les deux "est un peu forcé" car Milei "est le produit de la profondeur de la crise argentine, et du désespoir généralisé que ressentent les gens", résume Michael Shifter.

"Bataille" ou "opportunisme" culturel ?

La "bataille culturelle", ou "réaction", dans de nombreux pays, contre un élan généralisé en faveur des droits des femmes, des minorités LGBT+, pour l'avortement, est une forte composante, présente notamment sur les réseaux sociaux, qui a alimenté l'ascension de Milei comme elle avait porté celle de Trump.

Mais si Milei "en est bien un allié, et s'il y a dans sa coalition des acteurs clefs de cette bataille culturelle globale, ce thème n'est pas central dans son discours", estime Vommaro. Pour lui, la "bataille" est plus globalement celle du libéralisme contre le "marxisme culturel" dominant depuis des décennies, économistes keynésiens et vigies du changement climatique dans le même sac.

Pour autant, "il s'est rendu compte qu'il y a là une opportunité de représenter des secteurs qui n'avaient pas de voix politique", ajoute l'analyste. Et il compte parmi ses conseillers un influenceur ultra-conservateur argentin, Agustin Laje, partisan d'un référendum sur l'avortement (légalisé en 2021).