De l'avis de nombreux experts, Israël vient de vivre son 11-Septembre. Qui pourrait ainsi être rebaptisé, à l'avenir, 7-Octobre, date à laquelle le Hamas a déclenché une offensive d'ampleur sur le territoire d'Israël, responsable d'au moins 1.200 morts côté israélien, dont 260 sur le site d'une rave-party près de la frontière avec la bande de Gaza.
Ce lourd bilan humain - qui plus est provisoire - a provoqué la consternation d'une large partie de la communauté internationale. L'Union européenne a suspendu son aide au développement aux Palestiniens, les États-Unis ont renforcé l'aide militaire fournie à Israël, tandis que la Chine ou encore les Émirats arabes unis ont condamné sans ambiguïté les nombreuses prises d'otage de civils israéliens.
Un choix "politique et idéologique" de la part du Qatar
Pour autant, le Hamas, mouvance islamiste palestinienne prônant la destruction de l'État d'Israël, n'a rien d'une organisation isolée sur le plan international. Le mouvement peut, en effet, s'appuyer sur un certain nombre de soutiens, qu'ils soient idéologiques, politiques ou encore financiers. Sur ce dernier point, c'est le Qatar qui s'érige en principal allié. "Le Hamas est considéré comme la branche palestinienne des Frères musulmans. Le Qatar soutient cette mouvance et donc soutient le Hamas", éclaire Didier Billion, directeur adjoint de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
L'expert en veut pour preuve l'aide financière apportée par le Qatar au Hamas, plutôt qu'à l'autorité palestinienne, alors que cette dernière n'était "même plus en mesure de payer ses propres fonctionnaires". Didier Billion y voit donc un choix résolument "politique et idéologique" de l'émirat du golfe, en faveur du mouvement islamiste.
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La proximité idéologique est également au cœur de l'appui iranien au Hamas. Le mouvement palestinien entretient avec Téhéran "des contacts politiques réguliers", confirme Didier Billion, pour qui le résultat des dernières élections iraniennes pourrait même accentuer les accointances entre les deux parties. "L'équipe qui a remporté les dernières présidentielles et législatives, c'est le camp des durs. Celui des conservateurs. Ce sont des gens qui prétendent être dans l'axe de la résistance. Tandis qu'à l'époque de Hassan Rohani, le précédent président de la République islamique, on n'était pas tout à fait dans cette logique. Il y avait probablement des contacts et une aide iranienne, mais elle est beaucoup plus marquée aujourd'hui", indique-t-il.
Un feu vert de l'Iran ?
Selon le Wall Street Journal, Téhéran aurait même joué un rôle déterminant autour de cette offensive du Hamas. Des officiers iraniens auraient ainsi travaillé avec des cadres du mouvement islamiste pour planifier des incursions sur le sol israélien. Selon le quotidien américain, c'est également l'Iran qui aurait délivré son feu vert au lancement de l'opération lundi dernier, au cours d'une réunion à Beyrouth au Liban. Un scénario pour l'heure non validé par les autorités américaines et rejeté en bloc par l'Iran, qui a tout de même réaffirmé son soutien à "la légitime défense palestinienne".
Mais pour Frédéric Encel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences-Po Paris, et auteur des Voies de la puissance (Odile Jacob), cette hypothèse n'a rien d'incongru, notamment au regard des négociations en cours entre Israël et l'Arabie saoudite, destinées à normaliser les échanges entre les deux pays. "Le Hamas et l'Iran ont la même stratégie diplomatique vis-à-vis de Riyad. Ce serait un cauchemar pour ces deux entités si l'Arabie saoudite reconnaissait Israël", a expliqué l'expert ce lundi au micro d'Europe 1. Lors d'une conférence de presse commune avec Olaf Scholz, Emmanuel Macron a estimé "vraisemblable" ce mardi que des "aides" aient été apportées au Hamas.
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Pour la Turquie, un soutien "rhétorique"
Le soutien iranien au mouvement pourrait donc largement outrepasser le simple cadre idéologique. "Est-ce que l'Iran donne de l'argent ou fournit des armes ? C'est probable, mais je n'ai pas d'éléments avérés et prouvés pour l'affirmer", nuance toutefois Didier Billion. Selon Wassim Nasr, journaliste pour France 24 et spécialiste des mouvements djihadistes, Téhéran apporte, entre autres, du savoir-faire au mouvement palestinien. "Tout ce qui est fabrication et modification de drones, fabrication locale d'armement, comment monter une opération tactique", énumère-t-il.
Enfin, s'agissant de la Turquie, le soutien au Hamas se veut essentiellement "rhétorique", indique Wassim Nasr. "C'est surtout une aide politique, parce que les dirigeants du Hamas ont été reçus avec le tapis rouge à plusieurs reprises par Ankara", ajoute Didier Billion. Ce lundi, le président Recep Tayyip Erdoğan a tenté de ménager la chèvre et le chou, appelant les deux parties au respect de l'"éthique" de la guerre.