Jean-Bedel Bokassa, ancien empereur de la République centrafricaine, a eu 17 femmes et 56 enfants. Parmi eux, Marie-France, l'une de ses filles, a raconté son enfance dans un livre, Au château de l'ogre. Chez Christophe Hondelatte mercredi, elle revient sur cette jeunesse, où elle a été ballottée entre la Côte d'Ivoire, la Suisse et la France.
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Au château d'Hardricourt, dans les Yvelines. Après dix années de présidence, Jean-Bedel Bokassa se proclame empereur de la République centrafricaine en 1977. Il décide alors d'envoyer tous ses enfants en Europe, notamment une partie dans un pensionnat catholique de Genève, en Suisse. Marie-France n'a que trois ans à l'époque. Un séjour helvète court, puisque Bokassa est chassé de son trône trois ans plus tard, en 1979, par les troupes françaises. Il fuit le pays pour la Côte d'Ivoire, où ses enfants le rejoignent. Cette grande famille restera là pendant quatre ans avant de partir pour la France. Direction le château d'Hardricourt, dans les Yvelines, l'une des nombreuses propriétés françaises de Jean-Bedel Bokassa.
"Il nous aimait énormément, mais à sa manière". Cet immense château du 19ème siècle va recueillir la famille Bokassa pendant des années. Mais bien vite, au quotidien, l'ancien dictateur africain devenu paranoïaque se meut en tyran domestique avec ses enfants. Des grilles sont installées au fenêtres, des gardes veillent sur toutes les entrées de la résidence, les enfants ont interdiction de sortir dès qu'ils rentrent de l'école. Et gare à ceux qui commettent le moindre faux pas. "Tu n'es qu'un bâtard !", se plaît à asséner Jean-Bedel Bokassa à ses fils et filles. "Je pense qu’il nous aimait énormément, mais à sa manière", analyse aujourd'hui Marie-France Bokassa. "Il n’était pas dépressif mais il a été très marqué par les nombreuses guerres qu’il a faites."
"Elle s’était fait construire une maison en nous privant de tout". Finalement, en 1986, Jean-Bedel Bokassa accepte de revenir en République centrafricaine pour être jugé. L'ancien dirigeant accepte de faire face à ses responsabilités. Pendant son absence, c'est Philomène, sa 17ème femme, qui est chargée de veiller sur ses enfants. Les conditions de vie deviennent encore plus difficiles pour Marie-France et ses frères et sœurs, entre conditions sanitaires plus que légères et rationnement alimentaire. "Philomène vivait des allocations familiales et elle conservait cet argent, qui était placé. Elle s’était fait construire une maison en nous privant de tout", explique Marie-France Bokassa. En 1988, c'est par la télévision que toute la famille apprend que Jean-Bedel Bokassa est condamné à la prison à vie dans son pays.
"J’avais ce besoin de retourner le voir". L'arrivée de Jacqueline, la soeur de Jean-Bedel Bokassa, ne changera rien à la situation. Marie-France, alors âgée de 14 ans, décide de prendre son courage à deux mains et de s'enfuir. Elle prépare deux sacs et quitte le château d'Hardricourt pour une cité voisine. Après plusieurs jours à dormir dans des halls d'immeuble, elle est finalement recueillie par une gentille femme, Monique, qui l’accueille chez elle. Marie-France Bokassa y trouvera enfin cette vraie famille qui lui manquait tant.
Des années plus tard, Marie-France Bokassa a revu son père, alors qu'il purgeait sa peine de prison en résidence surveillée. "Dès que j’ai eu la majorité, j’avais ce besoin de retourner le voir", confie-t-elle. "J’espérais retrouver un père assagi, (…) Finalement, rien n’avait changé, il était pire ou égal à lui-même." Marie-France Bokassa a tout de même la force de pardonner à son père, par lettre, juste avant qu'il ne meure en 1996.