Un cas "très, très défendable". C'est ainsi que Benjamin Brafman, l'un des avocats les plus connus des États-Unis, qualifiait au printemps 2011 le dossier de Dominique Strauss-Kahn, accusé de viol sur une femme de ménage du Sofitel de New York, Nafissatou Diallo. Quelques mois plus tard, le procureur Cyrus Vance renonçait à poursuivre le Français grâce à une stratégie bien huilée de son conseil : pousser son client à reconnaître mener "une vie sexuelle libre", puis expliquer que cela n'avait rien de répréhensible et que la relation avait tout à fait pu être consentie. Six ans plus tard, le célèbre juriste américain élabore sa stratégie dans une autre affaire de viol, également entourée d'une atmosphère de scandale : selon une déclaration du parquet de New York, il défendra le producteur Harvey Weinstein.
Acquittement de P. Diddy. Avant DSK, le nom de Benjamin Brafman a déjà été accolé à ceux de nombreuses célébrités. Après avoir été l'avocat des barons de la mafia, il est devenu celui du showbizz au début des années 2000. D'abord grâce au procès du rappeur Jay-Z, poursuivi en 1999 pour avoir donné deux coups de couteau à un producteur : alors que son client risque jusqu'à 15 ans de prison, le conseil le convainc de plaider coupable et se charge du reste, obtenant qu'il ne soit condamné qu'à trois années de mise à l'épreuve.
Deux ans plus tard, la notoriété de l'avocat explose lorsqu'il fait acquitter un autre rappeur, P. Diddy, accusé de détention illégale d'armes. Une centaine de témoins ont pourtant vu le chanteur tirer à la sortie d'un club, rapporte Le Monde. Mais la verve de Brafman persuade le jury à l'unanimité. Son client lui verse un million de dollars.
"Une situation vraiment désespérée". En 2004, le pénaliste fait aussi partie des conseillers juridiques de Michael Jackson, poursuivi pour attentat à la pudeur, mais qui choisit finalement de l'écarter avant la fin de l'affaire. Peu habitué à être congédié par ses clients, Benjamin Brafman s'en agace. "Je suis un peu leur prêtre ou leur rabbin. J'ai dissuadé davantage de gens de se suicider que n'importe quel psychiatre", affirme-t-il dans une interview citée par Le Point.
Look soigné, dossiers soigneusement préparés, et sens de l'humour qui fait mouche : Brafman, dont on dit qu'il pleure facilement après une victoire dans un procès difficile, cultive cet amour pour les dossiers épineux. "Les gens viennent me voir quand ils sont dans une situation vraiment désespérée", déclarait-il par exemple en s'emparant du dossier de DSK. Sûr de lui, il répète souvent la même phrase devant les jurys populaires : "le procureur voudrait vous faire croire que l'histoire qu'il raconte est vraie. Moi, je voudrais faire 10 cm de plus. Mais vous et moi savons que cela n'arrivera pas." L'avocat mesure 1,68m.
Spécialiste des écoutes. Dans l'affaire Weinstein, qui porte à New York sur les accusations de l'actrice new-yorkaise Paz de la Huerta, affirmant avoir été violée par le magnat d'Hollywood en 2010, l'un des points forts de Brafman pourrait s'avérer décisif : l'avocat est en effet connu pour écouter en boucle les enregistrements clandestins accusant ses clients, jusqu'à y trouver une faille, au point d'avoir un jour réussi à convaincre un jury qu'un homme au fort accent n'évoquait pas de l'héroïne mais le nom d'un restaurant. Or, l'une des pièces accusant le producteur est un enregistrement sur lequel on l'entend tenter d'attirer l'actrice dans une chambre d'hôtel, avec insistance.
En défendant Weinstein, Brafman aura à nouveau affaire à Cyrus Vance, qui avait déjà classé l'affaire sans suite lorsque Paz de la Huerta avait porté plainte en 2015. Sa décision sera-t-elle différente ? La réponse pourrait être imminente : selon plusieurs médias américains, le procureur de Manhattan s'apprête à présenter à un grand jury les éléments à charge concernant le producteur, en vue d'une possible inculpation.