Après trois semaines de colère et de manifestations, les Algériens ont semble-t-il obtenu gain de cause. Dans une lettre à la nation, Abdelaziz Bouteflika a annoncé son renoncement à briguer un cinquième mandat de président. "C'est un moment historique pour l'Algérie", analyse à chaud l'historien Benjamin Stora, au micro de Sonia Mabrouk sur Europe 1 lundi soir.
"Beaucoup de fierté, beaucoup de joie". "Il faut savoir que jusqu'à présent, le pouvoir ne cédait pas à la rue. En 2001, on se souvient d'une manifestation très importante de Kabyles qui s'était soldée par une très grande répression. Le pouvoir n'avait absolument pas cédé aux revendications qui étaient exprimées", rappelle l'historien. "Je pense qu'il doit y avoir beaucoup de fierté, beaucoup de joie pour les Algériens ce soir."
Pourquoi un tel revirement, à ce moment ? Benjamin Stora avance une explication : "Cette exception algérienne vient du fait que les cortèges que l'on a vus depuis plusieurs jours à Alger et dans les autres villes n'étaient pas clivés, avec d'un côté les religieux, d'un côté les laïcs, d'un côté les hommes, d'un côté les femmes. Tout était dans l'unanimisme, la mixité. Avant, toutes les mobilisations étaient très fractionnées. Là, il y a eu un refus des divisions, pour se réapproprier une forme de cohésion nationale."
"Les Algériens vont être extrêmement attentifs". Dans son message, le président algérien annonce également le report de l'élection présidentielle, prévue initialement le 18 avril prochain. "Il s'agit de satisfaire une demande pressante que vous (les Algériens, ndlr) avez été nombreux à m'adresser dans votre souci de lever tout malentendu quant à l'opportunité et à l'irréversibilité de la transmission générationnelle à laquelle je me suis engagé", explique Abdelaziz Bouteflika, sans avancer de nouvelle échéance. Il précise toutefois que la présidentielle aura lieu "dans le prolongement" d'une conférence nationale" chargée de réformer le système politique et d'élaborer un projet de Constitution d'ici fin 2019.
Ce renoncement était "le premier mouvement", juge Benjamin Stora. "Maintenant, il est évident que les gens vont être extrêmement attentifs", prévient-il.
L'espoir d'une "transition démocratique". "Les Algériens ont été très patients sur l'histoire Bouteflika", rappelle l'historien. "En 2014 déjà, il était déjà très malade et n'a pas fait la campagne, il ne venait pas, ne parlait pas. Ça fait bientôt cinq ans qu'on ne le voit pas et qu'on ne l'entend pas. Maintenant qu'il renonce, je pense qu'il y aura la volonté de compromis politique entre les différentes formations. On peut aussi espérer une transition démocratique. Car derrière la question du cinquième mandat de Bouteflika, c'était une revendication qui touchait l'ensemble du système."