Après dix mois de négociations tendues et laborieuses, l'Union européenne et le Royaume-Uni semblaient mercredi proches d'un accord sur leur future relation commerciale post-Brexit, qui leur permettrait d'éviter in extremis un "no deal" à seulement huit jours de la rupture définitive. "Nous sommes dans la phase finale", a indiqué une source européenne. Une deuxième source évoquait "de grandes chances" de conclure un accord dans la soirée. Plus tard encore, une source française a indiqué que d'"énormes concessions" britanniques avaient eu lieu dans le cadre des négociations.
"Il y a eu des mouvements du côté britannique, mais le diable est dans les détails des textes et nous n'y sommes pas encore", a tempéré une source diplomatique. "Ca reste encore difficile", a ajouté un deuxième diplomate.
La délicate question de la pêche
Les négociations sont depuis lundi entre les mains de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du Premier ministre britannique Boris Johnson, qui multiplient les échanges pour arracher un accord, selon des sources européennes.
L'accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques restait mercredi matin l'ultime point d'achoppement des discussions, par ailleurs quasiment bouclées, y compris sur les sujets jusque là problématiques, comme la manière de régler les différends et les mesures de protection contre toute concurrence déloyale.
L'accord pourrait entrer en application le 1er janvier
Un accord mercredi ou jeudi laisserait en théorie suffisamment de temps pour qu'il entre en application le 1er janvier, quand le Royaume-Uni, qui a officiellement quitté l'UE le 31 janvier dernier, aura définitivement abandonné le marché unique. Les Etats membres ont d'ailleurs commencé mercredi après-midi à lancer le processus lors de "discussions informelles", ont indiqué des sources européennes.
Pour l'instant, on ignore à quoi ressemblerait le compromis final. Selon plusieurs sources, le traité commercial fait autour de 2.000 pages. Il faut toutefois rappeler qu'un accord conclu au niveau des négociateurs doit encore être validé par les 27 pays de l'Union européenne pour être signé.
Sans accord, les règles de l'OMC régiraient les échanges
Sans accord, les échanges entre l'UE et Londres se feraient selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane, de quotas, ainsi que de formalités administratives susceptibles d'entraîner des embouteillages monstres et des retards de livraison. Un scénario particulièrement délicat pour le Royaume-Uni, déjà malmené par une variante plus virulente du coronavirus qui l'a isolé du reste du monde.
Malgré son faible poids économique, la pêche revêt une importance politique et sociale pour plusieurs Etat membres, dont la France, les Pays-Bas, le Danemark ou l'Irlande. Mais le Royaume-Uni en a fait le symbole de sa souveraineté retrouvée après le divorce.
Les tractations se concentrent sur le partage des quelque 650 millions d'euros de produits pêchés chaque année par l'UE dans les eaux britanniques et la durée de la période d'adaptation pour les pêcheurs européens. L'UE a rejeté cette semaine une offre jugée inacceptable de Londres, lui proposant de renoncer à 35% des espèces non-pélagiques (pêchées en haute mer), mais à 60% de ses prises en incluant les espèces pélagiques, le tout sur une période de transition de 3 ans. Bruxelles avait proposé quelques jours plus tôt de renoncer à environ 25% de ces 650 millions à l'issue d'une période de six ans.
"La balle est dans le camp de Boris Johnson"
"La balle est dans le camp de Boris Johnson", a estimé un diplomate européen, pour qui la proposition de l'UE ne peut être qu'une "offre finale" étant donné les préoccupations qu'elle a déjà soulevées chez certains Etats membres, notamment le Danemark. "Soit une percée est enregistrée mercredi avec un mouvement des Britanniques, soit les négociations basculent sur la semaine prochaine, après les fêtes", a-t-il ajouté.
Le négociateur européen, Michel Barnier, a en tout cas affirmé mardi aux Etats-membres que l'UE était prête à négocier "jusqu'à la fin de l'année et au-delà" si le blocage sur la pêche persistait. Objectif : se prémunir contre la pression du calendrier, quitte à accepter le choc d'un "no deal" le 1er janvier.