Le Brexit inquiète les Irlandais. Ils craignent que la libre circulation qui existe aujourd'hui entre la République d'Irlande, qui fait partie de l'Europe et l'Irlande du Nord, qui appartient au Royaume-Uni, ne s'étiole. Aujourd'hui, 30.000 personnes - fermiers, chefs d’entreprises, transporteurs - traversent tous les jours ces petites routes de campagne. La frontière est totalement ouverte sur 500 km. Mais avec le Brexit, elle risque d'être davantage contrôlée.
"On ne survivra pas". "Si la frontière est là, ce sera fatal, on perdra notre commerce, on ne survivra pas ce sera trop dur", craint Martin Watters, propriétaire d'un magasin d'électronique situé à 500 mètres de la frontière. La moitié de ses clients vient de l'autre côté de la frontière, au sud, de République d'Irlande. "On ne sait pas encore à quoi elle va ressembler exactement mais dès qu’on va voir des policiers ou même des postes de contrôles sur la route, qui va venir dans notre magasin ? Absolument personne".
Le risque des trafics. A quelques kilomètres de là, une autre entreprise a gelé 2 millions d'euros d'investissements en attendant de connaître le montant des barrières douanières. Et la question taraude aussi Mervin James, chef d’une entreprise de matériel médical : "Si l'on doit ajouter des taxes douanières pour vendre à l’Union européenne, ça va forcément faire augmenter nos tarifs et on ne sera plus du tout compétitifs sur le marché. C’est pour ça que l’on réfléchit à déménager l’entreprise en Union européenne, au sud de la frontière", explique-t-il.
"Si l'on ne trouve pas de solution, ce sera chaotique", prévient pour sa part le porte parole de la Chambre de commerce qui assure que la contrebande, les trafics, repartiront de plus belle. Cette économie parallèle était extrêmement répandue pendant le conflit nord-irlandais, lorsque les chars militaires surveillaient la frontière.
La crainte de tensions entre communautés. Et c'est bien l'une des craintes des habitants. Cette frontière peut faire resurgir les tensions entre les communautés. Personne n'a oublié la guerre entre les Protestants et les Catholiques, entre loyalistes, fidèles à Londres, et Républicains, partisans d'une Irlande unifiée, qui a fait rage entre 1969 et 1998.
Certains comme Paul, médiateur entre les communautés de Belfast, craignent que cette nouvelle frontière devienne une cible de choix pour les groupes paramilitaires : "On a toujours des tirs, des attaques punitives, des meurtres entre les loyalistes et les Républicains. Ils ont toujours des armes, moins qu’avant bien sûr, mais ils les utilisent dans les rues, à Belfast, Londonderry au nord-ouest. On est dans un simple cessez-le-feu, c’est tout ce qu’on a obtenu à l’arraché en 1994", explique le médiateur.
"Si l'on n’est plus européen, il n’y a plus de compromis". L’autre risque du Brexit est la disparition du ciment européen entre catholiques et protestants. Au pied du mur qui séparent encore les deux communautés à Belfast sur plus de 10 kilomètres, Sean un ancien de l’IRA, le groupe armé pro-républicain, glisse : "Si l'on n’est plus européen, il n’y a plus de compromis, on est juste des Irlandais contre des Britanniques".