Les députés britanniques se saisissent exceptionnellement mercredi de l'agenda du Brexit en votant sur une série d'alternatives à l'accord de sortie de l'Union européenne négocié par Theresa May. Une prise de contrôle qui pourrait profondément redéfinir le processus du divorce.
Maintien dans le marché unique, nouveau référendum, voire annulation de la sortie de l'UE... Le président de la Chambre des communes John Bercow choisira mercredi, parmi des propositions des députés, celles à examiner, avant des votes prévus à partir de 19 heures (20 heures en France). Les propositions qui récolteront le plus de voix devraient être à nouveau soumises aux députés lundi.
Vers un nouveau bras de fer entre Theresa May et le Parlement ?
Ces derniers veulent ainsi dégager une majorité sur une autre option que le Traité de retrait conclu en novembre par Theresa May avec Bruxelles, qu'ils ont déjà rejeté deux fois - en janvier et mi-mars - mais que la dirigeante conservatrice entend toujours faire passer.
Ces votes dits "indicatifs" ne sont toutefois pas contraignants pour le gouvernement et la Première ministre a déjà annoncé qu'elle s'opposerait au choix des députés si celui-ci entrait en contradiction avec les engagements de son parti en faveur d'une sortie du marché unique et de l'union douanière européenne. Selon un porte-parole du ministère chargé du Brexit, la manœuvre parlementaire constitue un "dangereux précédent" pour "l'équilibre des institutions démocratiques" dans le pays.
De fortes dissensions du côté conservateur
Theresa May pâtit également des profondes divisions au sein de son parti. Au total, trente députés conservateurs l'ont défiée en votant lundi soir en faveur de la prise de contrôle sur l'agenda du Brexit par le Parlement. Les rebelles étaient aussi issus des rangs du gouvernement : trois secrétaires d'État ont démissionné au cours de la même soirée, portant à près d'une trentaine le nombre de démissions au sein du gouvernement depuis les élections générales de juin 2017.
Ce rebondissement à Westminster a conduit Jacob Rees-Mogg, président de l'European Research Group, un groupe influent de 60 à 85 députés partisans d'un Brexit sans concession, à infléchir sa position, insinuant qu'il pourrait désormais soutenir l'accord de Theresa May de crainte que le Brexit n'ait finalement pas lieu. L'ancien ministre du Brexit David Davis a lui estimé que "ce n'est pas un bon accord mais l'alternative est une cascade de chaos", estimant sur la BBC que Theresa May avait "une chance raisonnable" de l'emporter.
Une Première ministre plus fragile que jamais
La partie cependant est loin d'être gagnée pour la Première ministre, qui apparaît plus que jamais fragilisée. Son allié au Parlement, le parti nord-irlandais DUP, a annoncé qu'il n'avait aucune intention de voter pour son accord "toxique", jugeant que le dispositif de "filet de sécurité" qu'il contient, destiné à éviter un retour d'une frontière physique entre l'Irlande du Nord et l'Irlande voisine, risque d'aboutir à un traitement différent de la province britannique par rapport au reste du Royaume-Uni.
Les députés doivent aussi voter sur le report de la date du Brexit, initialement prévu le 29 mars, après l'accord donné la semaine dernière par les dirigeants européens. Anticipant un possible rejet du Traité de retrait, les 27 ont laissé à Theresa May le choix. Soit l'accord est voté et le report sera de courte durée, jusqu'au 22 mai. Soit l'accord est rejeté, et Londres aura jusqu'au 12 avril pour présenter une alternative et demander un nouveau report, qui impliquerait la tenue d'élections européennes fin mai dans le pays. Sinon, ce serait une sortie sans accord.