40 ans après, le Royaume-Uni remet le couvert. Après le référendum de 1975, la question de la place des Anglo-saxons dans l’Union Européenne -encore appelée CEE à l’époque- est encore au cœur des débats outre-Manche. Jeudi, le peuple britannique se rendra aux urnes pour décider ou non de rester dans l’UE. Un choix déterminant pour l’avenir du pays, de ses décideurs, mais aussi des autres membres de l’Union Européenne. Quelles peuvent être les conséquences d’une sortie ou d’un maintien de la 5e puissance mondiale dans l’UE ? Et comment le verdict va-t-il être appliqué concrètement ?
- S’ILS NOUS DISENT : "BYE-BYE"
En cas de victoire du "out", la correspondante du Monde à Bruxelles Cécile Ducourtieux explique que "la simple déclaration des résultats, en soi, n’est pas une sortie". Comprenez que le processus de sortie de l’Union Européenne est, sans surprise, un peu plus compliqué. Le divorce ne peut pas être prononcé comme cela. Il doit l'être dans le cadre du Traité de Lisbonne de 2009. L’article 50 du texte prévoit en effet les conditions de retrait de l’UE pour un Etat-membre. Après le scrutin, le Royaume-Uni devra "notifier son intention au Conseil Européen" par courrier : "Le référendum est un acte de droit politique interne, il ne peut rien se passer tant que David Cameron n'a pas envoyé un courrier à ses homologues de l'Union", rappelait Yves Bertoncini, directeur de l'Institut Jacques Delors, sur le site de L’Express. Au Conseil de fixer ensuite des "orientations" le mardi suivant le vote. Ces orientations sur les conditions du retrait seront négociées pendant deux ans, une période de discussions renouvelable si aucun accord n’est trouvé.
Les Décodeurs déclinent les différentes options qui s’offrent au Royaume-Uni en cas de Brexit. Schématiquement, le pays pourrait tisser les mêmes relations avec l’UE que celles qu’entretient actuellement la Norvège. Concrètement, les Britanniques feraient alors partie de l’Espace économique européen (EEE) et conserverait un accès complet au marché unique. Economiquement, cela reviendrait à entretenir une forme de statu quo, car elle devrait accepter le principe de libre-circulation des personnes, un des motifs d’insatisfaction des nationalistes du Ukip et d’une frange des conservateurs. Sans compter que le Royaume-Uni serait contraint de participer au budget européen, l’autre pomme de discorde.
Même problème si Royaume-Uni adopte le modèle suisse. Il ferait alors partie de l’AELE (Association européenne de Libre-Echange), qui implique une participation au budget européen, la libre-circulation des personnes, mais aussi un accès restreint aux marchés européens pour le secteur bancaire, un des mastodontes britanniques. En revanche, elle pourrait alors passer librement des accords avec d’autres pays. Si elle refusait ces deux options, elle pourrait alors simplement appliquer les règles définies par l’OMC. Elle pourrait alors développer de nouveaux partenariats bilatéraux, mais verrait le rétablissement des barrières douanières et des contrôles des marchandises. Quelle que soit la forme du divorce, à l’amiable ou dans la douleur, le Royaume-Uni ne ne bénéficierait plus des accords internationaux dont il faisait partie en tant que membre de l’UE.
Dernière conséquence importante pour le pays, la victoire du "out" "entraînerait très probablement la démission du Premier ministre David Cameron", comme l’avance Kevin Featherstone, directeur de l’institut européen à la London School of Economics sur le site d’Euronews. Difficile de dire qui prendrait alors sa succession et conduirait les négociations avec le conseil européen. Toutes ces questions en suspens pourraient d’ailleurs mener le gouvernement britannique à retarder la publication des chiffres du vote pour prendre le temps d’élaborer une vraie stratégie de négociation avec l’UE selon les résultats.
- S'ILS NOUS DISENT : "WE STAY"
Dans le cas inverse, le maintien du Royaume-Uni dans l’Europe aurait peu de conséquences juridiques. En revanche, c’est l’équilibre politique au sein de l’UE qui serait durablement modifié. C’est d’ailleurs exactement le but de la manœuvre pour David Cameron, partisan du "in", qui a promis la tenue de ce référendum en 2013 au risque de se voir désavoué par les électeurs. Une stratégie du "ça passe ou ça casse" qui, si le "in" l’emportait, renforcerait sa position sur l’échiquier européen. En effet, Cameron, défenseur d’une Europe des Etats libéralisée, avait déjà obtenu du conseil européen un statut spécial en février dernier (possibilité de limiter les aides sociales aux migrants issus de l’UE, reconnaissance de l’importance de la City dans l’économie européenne) applicable si le Royaume-Uni se maintenait dans l’Union. Ainsi, le locataire du 10, Downing Street aurait tout gagné : le maintien dans l’UE et un statut d’exception renforcé pour le pays.
Sur la scène nationale en revanche, même si le "in" venait à l’emporter, Cameron en sortirait affaibli. Et pour cause, la campagne a profondément divisé les conservateurs entre l’aile europhile qu’il incarne et la branche eurosceptique, emmenée par son ami d’enfance et nouveau rival, l’ancien maire de Londres Boris Johnson. Outre sa famille politique, c’est le pays tout entier qui, si les tendances esquissées par les sondages venaient à se confirmer, se retrouverait coupé en deux, tiraillé entre phobie migratoire et peur du marasme économique promis en cas de Brexit. Quel que soit l’issue du scrutin, le pari est donc déjà à moitié perdu pour David Cameron.