Le sommet a été tendu, mais au final, Theresa May a obtenu ce qu’elle était venu chercher mercredi soir à Bruxelles : un nouveau report de la date du divorce entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne. C’est désormais le 31 octobre, dernier délai – sauf nouveau rebondissement – que les Britanniques devront quitter le giron de l’UE. La Première ministre britannique, incapable de convaincre son Parlement d’approuver l’accord qu’elle a conclu avec Bruxelles, s’offre là un sursis bienvenu, qui écarte pour l’heure le scénario, redouté par beaucoup, d’un Brexit dur. Mais ce report soulève aussi de nombreuses interrogations.
Pourquoi le 31 octobre ?
Rien à voir avec Halloween. La date du 31 octobre est en fait issue d’un compromis très européen, à même de contenter (ou de fâcher le moins possible) tout le monde. Officiellement, il s’agit de la veille de l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne. Mais en fait, les membres de l’Union ont coupé la poire en deux entre les partisans d’un report beaucoup plus large et ceux, comme la France, qui voulaient accélérer les choses.
"C’est vrai que la position majoritaire était plutôt de donner une extension très longue. Mais à mes yeux ce n’était pas logique", a réagi Emmanuel Macron après l’annonce de la décision du report. "Et surtout, ça n’était ni bon pour nous ni pour les Britanniques. Une extension longue aurait pu donner le sentiment qu’on ne prenait pas en compte le vote, plus de trois ans après, du peuple britannique. Et nous aurions décidé d’affaiblir nos institutions", a estimé le président français,
La date du 31 octobre est-elle figée ?
Le 31 octobre est une date butoir. Mais les Britanniques peuvent tout à fait quitter l’Union européenne avant cette "deadline". C’est d’ailleurs la volonté de Theresa May, qui a jusqu'ici été incapable de faire adopter par les députés son accord de divorce, qui comprend un Traité de retrait et une Déclaration politique sur la future relation entre le Royaume-Uni et l'UE. Cette dernière a réaffirmé qu'elle ne rouvrirait pas les négociations sur le Traité de retrait, mais la Première ministre britannique peut jouer sur la Déclaration politique pour trouver un compromis à même de rassembler une majorité parlementaire.
La dirigeante conservatrice a dans ce but entamé la semaine dernière des discussions avec le chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn, une première depuis son arrivée au 10, Downing Street. Elle peut aussi organiser une série de votes au Parlement sur différentes options pour la future relation avec l'UE. Theresa May espère faire adopter son accord avant le 22 mai, car elle veut éviter que son pays participe aux élections européennes, prévues du 23 au 26 mai. Si elle y parvient, les Britanniques sortiront de l'UE le 1er juin.
"Cette extension est aussi flexible que ce que j’espérais mais un peu plus courte que ce que j’attendais. Mais c’est assez pour trouver la meilleure solution possible", a réagi Donald Tusk, le président du Conseil européen, avant de lancer un appel aux Britanniques : "S’il vous plaît, ne gâchez pas ce temps."
L’hypothèse d’un "no deal" est-elle écartée ?
Ce scénario, tant redouté par les milieux économiques, n’est pas écarté. Il signifierait une sortie brutale et sans période de transition, ni plan pour la suite de la relation entre le Royaume-Uni et l'UE. Après 46 ans d'appartenance à l'UE, le pays quitterait du jour au lendemain le marché unique et l'union douanière et serait soumis aux règles de l'Organisation mondiale du commerce. Se poserait aussi avec force – et douleur- la question de la ffrontière entre les deux Irlande. Le "no deal" pourrait donc intervenir le 31 octobre, si Theresa May n'est pas parvenue à faire adopter son accord à l'issue des six mois de délai. L'UE et le Royaume-Uni ont intensifié ces derniers mois leurs préparatifs face à cette éventualité, même si les 27 et les députés britanniques disent ne pas en vouloir.
Les Britanniques devront-ils voter pour les élections européennes ?
C’est l’une des grandes questions qui restent en suspens. Si Theresa May ne parvient pas à faire adopter l’accord négocié avec l’Union européenne avant le 22 mai, alors les Britanniques devront participer aux élections européennes prévues entre le 23 et le 26 mai. Ils enverraient ainsi des députés au Parlement européen, donnant à cette affaire du Brexit un tour un peu plus surréaliste encore. Autre hypothèse : les autorités britanniques refusent d’organiser des élections. Dans ce cas, un "no deal" interviendrait dès le 1er juin.
Le Brexit pourrait-il être annulé ?
La question d’une annulation du Brexit reste sur la table, même si seulement une minorité de députés britanniques soutiennent un tel revirement, qui nécessiterait l’organisation d’un nouveau référendum, près de trois ans après celui qui avait vu les Britanniques voter à 52% pour le Brexit en juin 2016. L'option d'un référendum a timidement été évoquée par le Parti travailliste lors de ses discussions avec le gouvernement, mais celui-ci a répété qu'il s'y opposait. Selon la Cour de Justice européenne, le Royaume-Uni peut en tout cas décider de renoncer à quitter l'UE sans avoir besoin de l'aval des autres Etats membres.