Camp de prisonniers djihadistes en Syrie : "On n'a rien demandé aux enfants, ce sont des victimes"

camp, syrie, 1280
© AFP
  • Copié
, modifié à
Une dizaine de familles françaises sont détenues dans un camp de prisonniers djihadistes contrôlé par les Kurdes.
INTERVIEW

Des femmes et des enfants de djihadistes capturés en Syrie ont été rassemblés dans le camp de Roj, contrôlé par les Kurdes de Syrie. Ces derniers refusent de les juger et attendent que les pays dont ils sont originaires les rapatrient. Human Rights watch militent pour qu'ils puissent avoir un procès équitable. "Notre première préoccupation ce sont les enfants, on ne leur a rien demandé, ce sont des victimes et ils sont dans des conditions très difficiles", plaide mercredi au micro d'Europe 1 Nadim Houry, directeur du programme terrorisme et lutte antiterroriste de l'ONG.

Pas de poursuite judiciaire à ce stade. Alors que l'accès au camp est interdit aux journalistes, ce responsable a pu y accéder et rencontrer les familles qui y sont maintenues. "Aujourd'hui, à Roj, il y a un peu près 400 familles étrangères, de plus de 40 nationalités, dont une dizaine de familles françaises. Ce ne sont que des femmes et des enfants dans ce camp", rapporte Nadim Houry. "Les Kurdes nous disent qu'ils ne sont pas accusés, il n'y a pas d'actes judiciaires contre eux à ce stade. Elles peuvent se déplacer dans le camp, mais pas en sortir. Les Kurdes disent qu'ils gardent les étrangères avec leurs enfants, le temps que leur pays vienne les chercher. Jusqu'ici, seuls les Russes et les Indonésiens ont envoyés une délégation, les autres attendent", pointe-il.

"Ces femmes ont entre vingt et trente ans. Il y a le cas d'une femme partie à seize, qui aujourd'hui en a presque vingt et qui, entre temps, a eu trois enfants", détaille Nadim Houry. "J'ai vu au moins une femme enceinte de huit mois et demi quand j'y étais".

Un justice qui ne s'intéresse qu'aux djihadistes et pas aux complices. "Elles veulent rentrer en France, elles sont conscientes du fait qu'elles seront poursuivis judiciairement. Elles l'acceptent. Je ne suis pas rentré dans leurs motivations, ça n'est pas notre rôle, notre rôle c'est de dire quel est le statut de tout ce monde-là. Qu'est-ce qui va se passer et quelle procédure ?", interroge Nadim Houry qui pointe les lacunes du système judiciaire kurde en matière de terrorisme. "Les Kurdes appliquent une loi anti-terroriste de 2014, qui a sept articles et fait une page et demi […]. Leur priorité a toujours été de juger ceux qui les ont attaqués, ceux qui ont commis des attentats et pas nécessairement ceux qui ont assisté ou adhéré à Daech. Dans ce contexte-là, il n'y a encore jamais eu de procès d'étranger ou d'étrangère. Pour eux, ça n'est pas leur priorité".

 

"Au cas par cas". Alors que le gouvernement français souhaite que les djihadistes français capturés soient jugés sur place par les autorités locales pour les crimes commis sur leur territoire, Emmanuel Macron a indiqué lors de son déplacement à Abu Dhabi en novembre que le sort des femmes et des enfants devait être étudié au "cas par cas". "Si vous prenez la loi Kurde aujourd'hui, la majorité de ces femmes ne rentre pas dans ce qui a été criminalisé", rappelle encore Nadim Houry. "Si elles ont commis un crime, elles doivent être jugés. Elles ont le droit à un procès équitable, c'est un principe", insiste-t-il. "Dans la situation actuelle, ayant visité les tribunaux kurdes deux fois, on ne pense pas qu'il y a la possibilité d'un procès équitable au nord de la Syrie aujourd'hui […] Pour nous, la réponse la plus simple c'est de les juger dans des juridictions équitables", conclut Nadim Houry qui évoque un rapatriement ou encore un soutien de la France pour permettre aux Kurdes de mettre en place des tribunaux adaptés.