Le texte circulait dans les rédactions américaines depuis quelque temps, plusieurs médias cherchant à vérifier ses allégations, explosives. C'est finalement la chaîne CNN qui a lâché la bombe, mardi : "Dans des documents classifiés, présentés la semaine dernière au président Obama et au président-élu Trump, des espions russes affirment détenir des informations compromettantes à propos de Donald Trump, sur le plan personnel et financier". Ces "documents déclassifiés" sont de courts rapports, compilés dans un document de 35 pages et rédigés en 2016 par un ancien agent du renseignement britannique, pour le compte d'adversaires politiques de Donald Trump. Après la révélation de CNN, Buzzfeed a publié l'intégralité de ce mémo, "afin d'aider les Américains à se faire leur propre opinion".
"Les deux camps avaient intérêt à voir perdre Clinton". Selon l'une des notes de ce rapport, dont les sources sont anonymes, Donald Trump et Moscou échangent des renseignements depuis "au moins cinq ans". Un autre interlocuteur de l'auteur du mémo estime que ces relations sont plus anciennes, remontant à "au moins huit ans". Une période pendant laquelle le Kremlin aurait fourni à Donald Trump et à son équipe des informations sur ses opposants, y compris la candidate démocrate à l'élection présidentielle, Hillary Clinton. D'après une source russe de l'agent de renseignement, cette coopération s'est intensifiée pendant la campagne électorale, à l'été et à l'automne 2016. "Les deux camps avaient intérêt à voir perdre Hillary Clinton, que le président Poutine déteste et craint à la fois", écrit l'auteur.
" Les affaires de Donald Trump en Chine et dans d'autres pays émergents sont juteuses "
Le directeur de campagne de Donald Trump, Paul Manafort, aurait ainsi été en charge des échanges avec le Kremlin jusqu'à sa démission forcée, fin août. Plusieurs réunions secrètes entre des membres de l'équipe du milliardaire, dont le conseiller Carter Page et l'avocat Michael Cohen, auraient eu lieu à Moscou et à Prague. Une source de l'auteur du rapport affirme également que le régime russe est bien derrière la fuite des emails d'Hillary Clinton à Wikileaks. Une stratégie visant à discréditer la candidate démocrate, ou tout du moins à "détourner l'attention des Démocrates et des médias des affaires juteuses de Donald Trump en Chine et dans d'autres pays émergents, qui comprenaient le versement de nombreux pots-de-vin.
Des offres d'investissement immobilier en Russie. Les notes, rédigées tout au long de la campagne, suivent l'adaptation de la stratégie du Kremlin après ces "fuites". Le 5 août, Dmitri Medvedev est décrit comme "furieux" de la mauvaise publicité que fait cette affaire à la Russie. Le 12 octobre, jugeant l'impact des révélations insuffisantes, le Kremlin prend la décision de faire fuiter de nouvelles informations. Cinq jours plus tard, Wikileaks publie une nouvelle série de mails de la candidate démocrate. Lors d'échanges entre l'équipe de Trump et le Kremlin des conseils pour la suite de la campagne auraient également été échangés. Moscou aurait ainsi recommandé à Trump de cibler la jeunesse américaine éduquée, "susceptible de quitter Clinton".
Ce mémo assure, en outre, que Moscou a formulé de nombreuses offres immobilières alléchantes à Donald Trump, l'incitant à investir en Russie en prévision de la Coupe du monde 2018. Le milliardaire n'y aurait pas cédé, retardant son accord "afin de favoriser l'engagement du Kremlin à son égard."
Une sex-tape filmée par le FSB ? Dans une autre note, un ancien responsable des services secrets de Moscou affirme que le FSB, l'agence de renseignement russe, a profité de voyages de Donald Trump à Moscou pour récolter des éléments permettant de le faire chanter. Selon "plusieurs sources bien informées", le milliardaire aurait reçu, en 2013, plusieurs prostituées dans la suite présidentielle du Ruitz Carlton Hotel, se livrant à des "actes sexuels pervers". "L'hôtel est connu pour être sous la surveillance du FSB, avec des microphones et des caméras cachées dans les chambres", écrit l'auteur. Une autre source fait état de visites de Trump à Saint-Pétersbourg, où il aurait participé à des "sex parties", dont les participantes auraient été payées pour se taire ou "forcées à disparaître".
" L'hôtel est connu pour être sous la surveillance du FSB, avec des microphones et des caméras cachées dans les chambres "
Ces informations sont-elles à prendre au sérieux ? L'ancien agent du contre-espionnage britannique est jugé "crédible" par le renseignement américain. Le fait que ce rapport ait été présenté à Donald Trump et Barack Obama témoigne également de l'importance que lui ont accordé les chefs espions américains. Mais aucune source officielle n'a pour l'instant certifié ce mémo, dans lequel Buzzfeed a relevé plusieurs erreurs. Le groupe "Alfa", mentionné par l'auteur, est par exemple orthographié "Alpha". Le village de Barvikha, présenté comme "réservé aux résidences des leaders politiques et leurs proches collaborateurs", est en fait ouvert à tous.
Trump et Moscou nient. Ces développements devraient occuper une partie de la conférence de presse que Donald Trump doit tenir mercredi matin à New York (17 heures à Paris), sa première depuis son élection. "Fausses informations - une chasse aux sorcières totale !", s'est empressé de twitter le prochain président américain après la publication de ce rapport. De son côté, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, présenté par le "mémo" comme le chef d'orchestre des échanges avec l'équipe de Trump, a affirmé que la Russie ne détenait aucun "dossier compromettant" sur le milliardaire.