"J'ose désormais rêver que l'aube se lève sur un Royaume-Uni indépendant. (…) Si les prévisions se vérifient, ce sera la victoire des vrais gens, des gens ordinaires", déclarait vendredi l’eurosceptique et chef du parti Ukip, Nigel Farage, au moment où la victoire du Brexit se précisait. Sauf que ce vote risque de sérieusement compliquer la vie des "gens ordinaires" au Royaume-Uni, mais aussi dès qu’ils se rendront sur le continent. Pour y voir plus clair, Europe1.fr liste des conséquences bien concrètes d'une sortie de l'Union européenne pour une famille fictive que nous appellerons les Abbot*.
• Le retour des tracasseries administratives pour voyager. Les Abbot souhaitent passer leurs vacances en France ou en Espagne dans les deux prochaines années ? Alors qu’aujourd’hui une simple carte d'identité suffit pour se déplacer au sein de l'espace Schengen, ils risquent de redécouvrir les tracasseries administratives pour obtenir un visa. A l'heure actuelle, seuls 44 pays sur 219 imposent des visas à l'avance aux ressortissants britanniques.
Manque de chance, la famille Abbot est installée à Belfast, en Irlande du Nord : elle qui aimait effectuer des virées en république d’Irlande le week-end va devoir y réfléchir à deux fois. Outre les formalités administratives, le rétablissement des contrôles frontaliers risque de sérieusement ralentir la circulation. Pour se consoler, les Abbot peuvent toujours penser à leur oncle installé à Gibraltar : l'Espagne pourrait être tentée de fermer sa frontière avec cette enclave collée à l'Andalousie et où vivent 33.000 Britanniques.
• Faire ses courses risque de coûter plus cher. Si les Abbot ont l’habitude de manger des "meat pie" et des "fish & chips", ils achètent fréquemment des spécialités venues d’autres pays : du camembert français, du prosecco italien ou encore de la charcuterie espagnole. Autant d’achats qui risquent de se faire plus rares : le rétablissement des barrières douanières risquent de faire grimper les prix. Une inflation qui pourrait d’ailleurs également concerner les produits 100% made in UK, d’après l’ancien PDG de la chaine de magasins Marks & Spencer.
• Un pouvoir d’achat moindre en zone euro. Les Abbot avaient pris l’habitude de voyager en Europe, et pour cause : la livre sterling étant plus forte que l’euro, ces séjours ne leur coûtaient pas trop cher. Le Brexit provoquant une chute de la livre sterling, les Abbot vont devoir être plus attentifs à leurs dépenses de vacances. Cela tombe d'autant plus mal que l'Europe vient d'harmoniser les frais d'itinérance pour limiter la facture téléphoniques des Européens lorsqu'ils voyagent.
• Des emplois qui risquent de traverser la Manche. Pour les partisans du Brexit, la cause était entendue : sortir de l’Europe, c’est reprendre le contrôle des frontières et stopper l’immigration, accusée de faire baisser les salaires. Sauf que les Britanniques ont déjà la main sur leurs frontières, si bien que leur vote ne va pas changer fondamentalement les choses. En revanche, ils risquent bien de perdre des emplois, notamment à la City où travaille le cousin des Abbot. Ce dernier a de quoi s’inquiéter : la banque JPMorgan menace de transférer vers le continent jusqu’à 4.000 emplois, tout comme ses concurrents Goldman Sachs ou encore HSBC.
• Une vie plus compliquée pour les expatriés britanniques. Après une carrière bien remplie, les grands-parents des Abbot se sont lassés de la grisaille et ont déménagé en Espagne, où le coût de la vie est en outre moins élevé. Si la chute de la monnaie britannique se poursuit, elle va sérieusement rogner leur pouvoir d’achat. Mais il y a pire : grâce à l’UE, les grands-parents ont accès au système de santé espagnol, une facilité qu’ils risquent de perdre ou de devoir payer cher. Le fils des Abbot, qui envisageait de travailler en France pour devenir chef cuisinier, risque, lui, de redécouvrir les concepts de carte de séjour et de permis de travail. Or, les Abbot sont loin d’être un cas isolé : 1,3 million de citoyens britanniques vivent sur le continent européen, répartis entre l'Espagne, l'Irlande, la France ou encore l'Allemagne.
• Des études en Europe plus difficiles. L'adolescente des Abbot ne sait, elle, pas encore ce qu’elle veut faire comme métier. En revanche, elle a une certitude : elle rêve de passer une année d’étude en Europe, comme près de trois millions d’étudiants qui ont bénéficié du programme Erasmus. Un accord pourrait être conclu pour restaurer cette possibilité mais, entre-temps, son séjour risque d’être compromis.
• Une scission de l’Ecosse redevient envisageable. Si les Anglais et les Gallois ont voté pour le Brexit, les Ecossais – historiquement europhiles - ont majoritairement voté contre. Le Brexit est donc une nouvelle occasion pour les indépendantistes écossais de demander un nouveau référendum sur l’appartenance au Royaume-Uni. Or, le dernier en date fut très serré. Mais il y a pire pour les Abbot : l’Irlande du Nord où ils résident a également voté à plus de 55% en faveur du maintien au sein de l’UE. Les tentations sécessionnistes des Nord-Irlandaises pourraient repartir de plus belle et les Abbot vivre des années compliquées.
• Et un championnat de football moins spectaculaire ? Peu politisé, le père Abbot s’est moyennement passionné pour le débat sur le Brexit et a préféré suivre l’haletante fin du championnat de football anglais. Sauf qu’il risque d’être rattrapé par le Brexit : ce dernier pourrait appauvrir le niveau de la Premier League. En effet, les deux-tiers des stars européennes jouant en Angleterre ne rempliraient pas les critères d'exemption de visa et pourraient ainsi être forcés de partir, selon la vice-présidente du club de West Ham
* NB : Cette sortie de l'UE étant une première, de nombreuses incertitudes demeurent : certaines mesures ne seront pas immédiates et d'autres pourraient ne pas se concrétiser si Londres signe entre-temps de nouveaux accords avec ses voisins.