Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l'État islamique, a été tué dans une opération militaire américaine ce week-end.
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Didier François et , modifié à
Abou Bakr al-Baghdadi a été tué lors d'une opération militaire américaine. Sa mort a été annoncée dimanche par Donald Trump.
ON DÉCRYPTE

Sa mort a été maintes fois annoncée depuis 2014. Dimanche, elle a été officiellement confirmée par Donald Trump. Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l'État islamique a été tué lors d'une opération militaire américaine dans le nord de la Syrie. Au-delà des circonstances exactes de son décès se posent les questions de l'avenir de la région en termes géopolitiques.

Comment les forces américaines ont-elles réussi à neutraliser Baghdadi ?

Tout est parti d'un renseignement, qui venait visiblement des forces kurdes. Ces dernières ont localisé Baghdadi, ainsi que ses deux épouses et ses enfants, dans la région d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie. Plus précisément, le chef de l'État islamique est placé dans la maison d'un cadre djihadiste du village de Barisha, à sept kilomètres de la frontière turque. 

Un groupe d'assaut est alors constitué avec un commando de forces spéciales et de la CIA. En réalité, ce commando a l'autorisation d'intervenir depuis deux semaines déjà. Mais Baghdadi bougeant souvent, ce n'est que dans la nuit de samedi à dimanche qu'il a pu intervenir.

Huit hélicoptères débarquent le commando. Les forces spéciales neutralisent alors les gardes, puis trouvent Baghdadi. "On savait qu'il y avait des pièges et des tunnels", a raconté Donald Trump, qui a tout suivi en direct depuis la "situation room", cette salle sécurisée de la Maison-Blanche destinée aux réunions les plus sensibles. De fait, le chef de l'État islamique s'est réfugié dans l'un de ces tunnels avec trois de ses enfants comme boucliers humains. Lorsqu'il est sur le point d'être capturé, il déclenche sa ceinture d'explosifs, tuant les trois enfants avec lui. Le tunnel s'effondre alors et les soldats américains doivent déblayer pour accéder au corps mutilé et en morceaux, selon Donald Trump, jamais avare de détails morbides.

Est-on certains que Baghdadi est vraiment mort ?

Le commando américain avait apporté de l'ADN de Baghdadi pour pouvoir faire l'identification immédiatement sur place. Le chef de l'État islamique a donc été formellement identifié. Cela n'a certes pas empêché la Russie de déclarer n'avoir "pas d'informations fiables" sur une "énième mort" de Baghdadi. Moscou a également soulevé des "détails contradictoires" dans le récit de l'intervention américaine.

Pour Frédéric Encel, docteur en géopolitique, maître de conférences à Science Po Paris et spécialiste du Moyen Orient, cette réaction russe relève plus de la posture. "Les Russes ont intérêt à considérer que les Américains ne sont pas les maîtres du terrain et qu'ils auraient parfaitement pu le faire aussi", explique-t-il sur Europe 1. "Il y a quelque chose d'humiliant pour Moscou d'admettre que les Américains ont réussi à abattre l'ennemi public n°1 dans une zone qui leur appartient" en théorie.

Est-ce la mort de l'État islamique ?

D'après Donald Trump de toute façon, le "califat" territorial de l'État islamique était défait depuis le mois de mars dernier. La mort de Baghdadi n'est donc qu'un clou de plus dans son cercueil. Et de fait, dans une organisation aussi pyramidale que Daesh, la mort du chef est un coup très dur.

Néanmoins, de nombreux responsables politiques et observateurs sont nettement plus prudents, à l'instar d'Emmanuel Macron. "La mort d'al-Baghdadi est un coup dur porté contre Daech, mais ce n'est qu'une étape. Le combat continue", a déclaré le président français, affirmant que la défaite définitive de l'Etat islamique était une "priorité" de Paris. Même son de cloche du côté de Boris Johnson. Il s'agit "d'un moment important dans notre combat contre la terreur, mais la bataille contre le fléau de Daech n'est pas terminée", a souligné le Premier ministre britannique.

"Daesh c'est d'abord une idéologie islamiste radicale. L'une des têtes a été coupée mais l'idéologie demeure", confirme pour sa part Frédéric Encel. L'État islamique avait déjà amorcé une mue dès ses défaites militaires en Irak puis en Syrie, passant à la clandestinité avec des cellules dormantes. Celles-ci ont toujours de vrais moyens militaires pour mener une guerre de harcèlement. D'autant que l'offensive turque dans le nord de la Syrie contre les forces kurdes lui ouvre de nouvelles perspectives inespérées.

Faut-il craindre des représailles ?

La vigilance s'impose, même s'il faudra forcément quelques mois pour qu'une nouvelle figure émerge et s'impose en interne. On l'avait d'ailleurs vu après la mort d'Oussama Ben Laden. Son successeur, Ayman Zawihri, n'a jamais réussi à prendre la même envergure mais Al-Qaeda n'est pas morte, s'est adaptée, et représente toujours un danger.

Quoi qu'il en soit, si représailles il y a, elles ne seront très probablement pas dirigées contre les forces américaines qui restent en Syrie. "Elles sont bien protégées face aux islamistes radicaux, même si les bases américaines peuvent subir des tentatives de riposte", analyse Frédéric Encel. Mais selon lui, ce sont bien les forces kurdes qui sont en première ligne.