Kiev a accueilli la nouvelle avec le plus grand des soulagements. Mercredi, l'Allemagne a annoncé qu'elle livrerait à l'Ukraine les 14 chars Leopard que le président Volodymyr Zelensky réclamait avec insistance depuis des mois pour défendre son pays contre l'invasion russe. Dans la foulée, la Norvège et l'Espagne ont emboîté le pas à Berlin tout comme les États-Unis qui livreront prochainement 31 chars Abrams. Si le président ukrainien a fini par voir son vœu exaucé le jour de son 45e anniversaire et salué une "étape importante dans la victoire finale", ces véhicules de combat sont encore loin de fouler le champ de bataille.
Former les équipages
Selon les estimations de Boris Pistorius, nouveau ministre allemand de la Défense cité par BFMTV, les premiers chars pourraient être opérationnels "fin mars, début avril". Pas avant. L'utilisation d'un tel matériel requiert en effet une formation rigoureuse et nécessite un équipage conséquent. "Il faut déjà apprendre à conduire ces chars mais aussi à utiliser son système d'armement, ce qui prend plusieurs semaines", confirme à Europe 1 le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale.
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Une fois le pilotage des engins maîtrisé, encore faut-il savoir les manipuler de façon coordonnée. "Il y a en effet toute la formation tactique à mener", poursuit le général Pellistrandi. "Il faut être en mesure d'entraîner un peloton de chars aux ordres d'un lieutenant. Et cela passe par des entraînements collectifs afin d'apprendre à manœuvrer ensemble". En parallèle, il faut également former les équipes de maintenance et notamment les mécaniciens, indispensables pour assurer la logistique des véhicules. Un processus qui demande environ "deux mois" selon le général Pellistrandi.
Dans le même temps, les chars amenés à combattre sur le terrain doivent être minutieusement contrôlés avant de prendre la direction du champ de bataille. "C'est le même principe qu'une révision pour une voiture", schématise Jérôme Pellistrandi.
Transporter le matériel vers l'Ukraine
Il faut ensuite assurer le transport des engins en direction d'une zone de combat située à plus de 2.000 km de Berlin. Le plus souvent, le train est privilégié en raison de la taille des véhicules concernés. "Une fois arrivé à la frontière de l'Ukraine, il faut que les Ukrainiens viennent les chercher. Car vis-à-vis de la Russie, il n'est pas question que des Allemands conduisent eux-mêmes des chars sur le sol ukrainien", souligne Jérôme Pellistrandi. Les chars doivent ensuite être acheminés vers le front, situé de l'autre côté du pays. "Le tout en essayant d'être le plus discret possible au regard du renseignement russe", note le général.
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Enfin, il faut composer avec les contraintes administratives et techniques qui se dressent devant les Alliés. "Par exemple, l'écartement des voies ferrées n'est pas le même en Ukraine. Donc cela signifie qu'il faut débarquer les chars, le tout dans la discrétion la plus totale. Tout cela demande beaucoup de temps", fait remarquer Jérôme Pellistrandi. Kiev n'a donc d'autre choix que de prendre son mal en patience alors que des missiles russes continuent de s'abattre sur le sol ukrainien. Ce jeudi, 11 personnes ont perdu la vie dans des bombardements tandis que les coupures d'électricité se multiplient dans la capitale et dans plusieurs régions.