Attaque au couteau, attaque à la voiture-bélier... Ces dernières semaines, les drames se multiplient en Chine. Depuis la fin septembre, l'Empire du milieu connaît une multiplication des attaques de masse. En témoigne l'attaque à la voiture-bélier à Zhudai le 11 novembre dernier, où un homme d'une soixantaine d'années a foncé dans un complexe sportif au volant de son SUV, tuant au moins 35 personnes et en blessant plus de 40 autres.
Selon les premiers dires du suspect, le jugement défavorable dans le cadre de son divorce l'aurait poussé à passer à l'acte, lui qui avait tenté de se suicider dans sa voiture alors qu'il était en train d'être appréhendé par la police. Un événement qui en rappelle un autre, cette fois-ci à Changde, ce mardi. Même scénario : dans cette commune de cinq millions d'habitants, un automobiliste a foncé dans une foule présente devant une école primaire. Par miracle, il n'y a que des blessés à déplorer. Si le conducteur a été arrêté par les autorités, impossible de dire pour le moment s'il s'agit d'un accident ou d'un acte délibéré. Mais la répétition des événements marque la Chine.
Esprit de vengeance
D'autant que les attaques ne se produisent pas uniquement avec des voitures. Ainsi, ce week-end, un homme d'une vingtaine d'années a tué huit personnes et blessé 17 autres sur un campus de la province de Jiangsu. Le suspect a avoué avoir voulu "se venger" de son ancien établissement, après avoir échoué à ses examens. Et le 30 septembre dernier, une attaque au couteau dans un supermarché faisait trois morts et 17 blessés. L'assaillant, âgé de 37 ans, avait avoué agir sur le coup de la colère face à un "différend financier".
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Mais comment expliquer une telle violence dans un pays pourtant réputé sûr, et où la surveillance des citoyens est quasi inégalée sur le globe ? Interrogé par Europe 1, Emmanuel Lincot, professeur à l'institut catholique de Paris et chercheur associé à l'IRIS, estime qu'il y a plusieurs raisons à l'origine de cette violence.
"Une société à bout de nerfs"
Ces actes peuvent se lier "à la souffrance humaine que traverse la société chinoise", explique-t-il, avant d'ajouter : "On a une société qui a été particulièrement perturbée par la longue période de confinement et ses conséquences. Et puis plus profondément, plus fondamentalement, vous avez une société brutalisée par le Parti communiste chinois. C'est quand même une société totalitaire, mais aussi une société malmenée par des réformes qui sont allées trop vite, qui laissent évidemment sur le bord de la route un nombre important de gens", insiste-t-il.
"Ça nous montre encore une fois une société à bout de nerfs", poursuit-il. Une vision partagée jusqu'à Pékin, où le président chinois Xi Jinping a reconnu l'urgence de la situation. Ce dernier a appelé toutes les autorités du pays "à résoudre rapidement les conflits", sur fond de ralentissement économique.
Mais Emmanuel Lincot craint que le pouvoir chinois "va vouloir faire des exemples (...), pour calmer la vindicte populaire". "Mais fondamentalement, structurellement, ça ne va pas changer des choses. Et je pense au contraire qu'on a une société de plus en plus violentée et qui va être confrontée à de plus en plus de problèmes de ce genre", conclut-il.