Donald Trump l'a annoncé en grande pompe dimanche : le chef de l'État islamique Abou Bakr al-Baghdadi a été tué par un commando américain. Au lendemain de cette opération de grande ampleur, Didier François, spécialiste défense et terrorisme à Europe 1 nous dévoile les dessous de cette attaque, qui a mené à l'élimination de l'un des chefs les plus emblématiques de Daech.
"Tout a commencé sur la base d’un renseignement, trouvé par les Kurdes d’ailleurs, et qui localisait Abou Bakr al-Baghdadi au nord-ouest de la Syrie, dans la région d’Idlib, et plus exactement dans le village de Barisha, à sept kilomètres seulement de la frontière turque. Il se cachait dans une belle maison avec deux de ses épouses ses enfants et une très solide garde rapprochée. Pendant plusieurs semaines, le lieu a été observé surveillé très discrètement et en permanence. Et une opportunité d’action s’est révélée ce week-end.
C'est cette opportunité qui a immédiatement déclenché l’assaut, donné dans la nuit de samedi à dimanche par une équipe mixte de commandos des forces spéciales et de la CIA. Ils sont arrivés à bord de huit hélicoptères : quatre sont restés en appui, et quatre ont déposés au sol les équipes d’intervention. C'est à minuit que les forces américaines ont engagé le combat pour éliminer les gardes. Abou Bakr al-Baghdadi, lui, s'était terré dans un tunnel sous la maison avec ses femmes et ses enfants. Il a déclenché sa ceinture d’explosif au moment où les commandos lâchaient sur lui leur chien d’attaque. Les opérateurs 'forces spéciales' l’ont donc formellement identifié après un prélèvement d’ADN.
C'est un coup extrêmement dur qui a été porté à l'État islamique avec la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi, il était le chef incontesté d’une organisation très pyramidale, et il était très charismatique chez les djihadistes. Il faut rappeler qu'il s’était quand même taillé par les armes un territoire de la taille de la Grande-Bretagne dont il s’était proclamé le Califat en juillet 2014. Il a fallu cinq ans et des combats féroces pour liquider cette base arrière du terrorisme, puisque c’est bien là-bas qu’ont été conçus les attentats de Paris et de Bruxelles. Donc oui, on peut légitimement penser que la disparition combinée de l’Etat islamique en tant que territoire et celle d'Abou Bakr al-Baghdadi, qui en était l’architecte, réduisent singulièrement cette menace.
Pour autant, la mort d'Abou Bakr al-Baghdadi ne signe pas la fin de l'État islamique : dès ses premières défaites militaires en Irak puis en Syrie, l’organisation est passée à la clandestinité avec des cellules dormantes qui ont de véritables moyens militaires qui lui permettent de mener une guerre de harcèlement. D'autant que l’opération turque dans le nord de la Syrie lui ouvre de nouvelles perspectives inespérées. Donc rien n’est terminé. Il faut certainement rester très vigilant, mais il faudra quand même quelques mois pour qu’une nouvelle figure émerge et qu’elle s’impose à toute l’organisation.
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On l’a bien vu après la mort d’Oussama Ben Laden, son successeur Ayman Zawihri n’a jamais réussi à prendre la même envergure. Pour autant, Al-Qaïda n’est pas morte. Elle a survécu, s’est adaptée, et représente toujours un danger. Mais elle n’a plus jamais fait un attentat comme celui du 11 septembre 2001."