Des pêcheurs néerlandais auraient-ils profité de la crise du Covid-19 pour toucher de façon abusive des subventions publiques ? C'est en tout cas ce que révèle l'ONG environnementale Bloom qui a enquêté avec le site d'informations Médiapart. "Plus de 95% des navires néerlandais ayant reçu une subvention Covid ont triché à divers degrés et ont indûment perçu 5,8 millions d'euros entre le 15 mai 2020 et le 3 décembre 2020", affirme l'association.
L'enquête n'accuse pas l'ensemble de ces bateaux d'être allés pêcher en mer, mais dans de nombreux cas d'avoir éteint un système de géolocalisation censé rester allumé. Bloom demande "l'ouverture d'une enquête judiciaire" par l'organe européen de lutte contre les fraudes financières au sein de l'Union européenne, auquel elle a transmis les résultats des investigations. "Des pêcheurs français nous ont alertés sur le fait que des pêcheurs néerlandais bénéficiaient d'arrêts temporaires alors qu'ils les voyaient en mer. Nous avons donc fait des recherches", a déclaré à l'AFP Frédéric Le Manach, directeur scientifique de Bloom.
Seuls 12 navires auraient respecté la loi sur 254 étudiés
Plusieurs pays européens ont accordé des aides à leurs filières pour permettre aux pêcheurs restés à quai de supporter le choc économique de la crise. Aux Pays-Bas, le gouvernement a "exclu la petite pêche artisanale (navires de moins de 12 mètres) de son dispositif d'aides" et "a fermé les yeux sur les fraudes commises", dénonce Bloom, qui juge La Haye "complice". Parmi 254 navires étudiés sur 269 ayant reçu une subvention Covid, "seuls 12 navires ont parfaitement respecté la loi et ont donc dûment perçu ces subventions", selon l'association.
Afin de justifier leurs demandes de dédommagement, les pêcheurs devaient pouvoir prouver leurs périodes d'arrêts temporaires de sept jours consécutifs. Pour cela, ils avaient pour obligation réglementaire d'avoir leur système de surveillance par satellite (VMS) allumé pendant toute la période couverte par les arrêts temporaires. Une règle pas toujours respectée.
"Le gouvernement néerlandais sert les intérêts de la pêche industrielle"
Bloom demande la condamnation pour tous les navires n'ayant "pas respecté les périodes d'arrêt" et le remboursement des aides pour l'ensemble des navires n'ayant "pas respecté le cadre de la loi en éteignant leur AIS (le système de géolocalisation)".
"Depuis des années, le gouvernement néerlandais sert les intérêts de la pêche industrielle. Nous avons déjà bataillé pour obtenir l'interdiction de la pêche électrique (confirmée en 2021 par la justice européenne, NDLR), pratiquée aux Pays-Bas à titre expérimental et dévastatrice pour les mers", a déclaré Claire Nouvian, présidente de Bloom.
Lancé il y a un an, le parquet européen a permis la saisie de 259 millions d'euros et l'ouverture de plus de 900 enquêtes. 22 pays membres sur 27 - dont les Pays-Bas - participent à cet organe de coopération judiciaire.