En attendant que les boîtes noires du Boeing 737 MAX 8, qui s'est écrasé dimanche en Éthiopie faisant 157 victimes, soient exploitées, de nombreuses questions se posent sur cette dernière génération d'appareils. Le Boeing 737 MAX possède un système automatique qui peut conduire l'avion à piquer du nez dans certaines circonstances. Pour Gérard Arnoux, ancien pilote et président du comité de veille de la sécurité aérienne, ce nouvel accident pose la question des systèmes automatisés de pilotage et de la formation des pilotes, qui diffère à travers le monde.
Un système de pilotage qui n'est pas en cause pour le moment. Il s'agit du deuxième accident d'un Boeing 737 MAX 8 en moins de six mois. Un avion de la compagnie indonésienne Lion Air s'était abîmé au large des côtes indonésiennes en octobre 2018, faisant 189 morts. Par mesure de précaution, plusieurs compagnies ont cloué leurs appareils au sol. Cet avion est-il donc dangereux ? "Il est un peu tôt pour le dire", assure Gérard Arnoux au micro de Matthieu Noël.
"Les boîtes noires vont parler et cela devrait aller vite. D'après ce que j'ai vu sur le Flight Safety Information américain, on voit que l'appareil décolle et très peu de temps après, deux ou trois minutes, [le pilote] évoque des problèmes. Il n'en précise pas la nature mais demande à revenir au terrain. Il fait un virage à gauche et percute le relief aux environs de 8.100 pieds. Pourquoi ? Est-ce que l'équipage était trop occupé dans sa checklist ou dans le maintien de la trajectoire de l'appareil ? On n'en sait rien à ce stade."
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"On a encore besoin de pilotes". Ce modèle d'avion est le dernier né de l'avionneur américain, et on pourrait donc s'attendre à ce qu'il soit plus fiable. "C'est souvent avec un appareil neuf qu'on peut découvrir un défaut de conception ou de fabrication", assure pourtant le spécialiste. "D'autant plus que maintenant, les avions sont bourrés d'informatique et de calculateurs. Et ces algorithmes, on les teste pour les situations normales, et les situations anormales mais prévisibles. Mais on a aucune idée, quand les calculateurs sont placés devant une situation non prévue, de la façon dont ils interagissent entre eux. C'est pour ça qu'on a encore besoin de pilotes bien formés, bien informés, dans les cockpits des avions de ligne."
Une question de formation des pilotes avant tout. Le système mis en cause est le SEMAS [Smart Electro-Mechanical Actuation System], qui fait piquer l'appareil pour lui éviter de décrocher dans certaines circonstances. Les États-Unis ont d'ailleurs demandé lundi à Boeing de le modifier. Mais pour Gérard Arnoux, le problème viendrait plutôt de la formation des pilotes. "On a deux positions très différentes dans le monde : une américaine et l'autre européenne. La position européenne va vers une économie des coûts de formation et prétend former des pilotes de ligne, qu'on peut mettre dans un 737-800 ou dans un A320, et des copilotes avec un total de seulement 80 heures de vol réel. Or en 80 heures, on ne peut pas du tout acquérir le sens de l'air, le vent de travers, la nuit, les pistes glissantes... Et c'est pourtant le choix fait par l'agence européenne de sécurité aérienne de délivrer des licences sur un avion en particulier dans une compagnie particulière agréée avec moins de 80 heures de vol, ce qui est proprement hallucinant. Les grandes compagnies de type Air France, Lufthansa, utilisent des cadets avec des formations réduites très intensives qui mettent des copilotes dans des avions de ligne à 190 heures de vol, ce qui est déjà peu."
"Les Américains, de leur côté, ont pris une position radicalement différente. Ils ont estimé que l'expérience devait primer sur les connaissances. Aux États-Unis, on n'a pas le droit de mettre un copilote dans un avion de ligne avec moins de 1.500 euros de vol. C'est un gouffre de conception."