Le 22 janvier 1998, le déplacement du pape Jean-Paul II marque un tournant à Cuba. Pour la première fois, un souverain pontife se rend sur l'île communiste. Une visite de cinq jours qui était très attendue par Fidel Castro qui voulait voir le pape se dresser contre l'embargo imposé par les Etats-Unis depuis 1962. Les Cubains espéraient eux un peu plus de souplesse de la part de leur régime, comme le raconte Jean-Bernard Cadier, l'envoyé spécial d'Europe 1 qui a couvert l'événement.
"Que Cuba s'ouvre au monde et que le monde s'ouvre à Cuba"
"J'espère que le pape va se prononcer pour la liberté d'expression. Gustavo est le seul à avoir bien voulu se prononcer sur cette question. Ce qui prouve qu'il reste du chemin à faire", entendons-nous au micro d'Europe 1. A l'occasion, le régime castriste avait mis les petits plats dans les grands. Il avait autorisé les Cubains à fêter Noël un mois plus tôt, une première depuis plus de 30 ans, et les avait appelés à suivre la messe pontificale de Jean-Paul II.
A son arrivée, le pape a été accueilli par Fidel Castro en personne, qui avait pour l'occasion troqué son habituel treillis militaire pour un costume cravate. Des attentions auxquelles le souverain pontife a répondu sans ambiguïté : "Que Cuba s'ouvre au monde et que le monde s'ouvre à Cuba".
Autrement dit, que l'embargo des Etats-Unis soit levé. Jean-Paul II a prié pour que Cuba offre à chacun un climat de liberté. Un message accueilli avec une joie immense, notamment par les catholiques pratiquants de l'île, réduits au silence depuis les années 60.
La ferveur de ceux qui ont escorté la papamobile dans les rues de La Havane s'est fait grandement ressentir : "Dios ti amio". "Dieu t'aime", chante un groupe de catholiques. "Il nous apporte un message de paix, de fraternité, d'harmonie et d'amour, tout ce qui nous manque tant", témoigne une catholique.
Un tournant dans l'histoire de l'île
"Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur", pouvons-nous entendre au micro de Jean-Bernard Cadier. Les catholiques pratiquants en croient à peine leurs yeux, ils ont le droit d'entonner des cantiques sur la place de la Révolution, dans un pays où les processions sont toujours interdites par la loi.
Mais ce changement de ton a tout de même laissé toute une partie de la population très sceptique. "Tout le monde n'est pas religieux, catholique parce qu'avant tout le monde était normal, maintenant c'est la mode", raconte une habitante.
Une visite qui a marqué un tournant dans l'histoire de l'île : plusieurs prisonniers politiques et religieux ont été libérés à la demande du Vatican, Noël est resté un jour férié et les relations entre l'Eglise cubaine et le régime se sont progressivement normalisées. Jean-Paul II a également ouvert la voie à ses successeurs, Benoît XVI et le pape François, qui eux aussi ont foulé les terres de l'île communiste.