Ni l'État allemand ni Volkswagen ne semblent pour l'instant disposés à coopérer avec la justice française dans le dossier du Dieselgate, relatif aux soupçons de fraude sur les contrôles antipollution chez le constructeur allemand. C'est en somme le message adressé par les trois juges du pôle santé publique de Paris, saisis depuis plus de deux ans d'une enquête pour "tromperie aggravée", aux parties civiles françaises du dossier. Le 27 juillet, les magistrats ont adressé une lettre aux propriétaires de véhicules construits par le groupe allemand, qu'Europe 1 a pu consulter.
Des demandes rejetées par la justice allemande. "Dans la mesure où l'essentiel des faits s'est déroulé en Allemagne, nos investigations dépendent de la bonne volonté des autorités judiciaires allemandes et/ou de la société Volkswagen AG, dont le siège social est en Allemagne", indiquent les juges dans ce courrier. La lettre évoque d'abord l’attitude de l'entreprise, qui "n'a pas souhaité s'exprimer lors de sa première audition en tant que témoin assisté" et a fait appel d'une décision "relative à la traduction en allemand des pièces du dossier". "La cour d'appel devrait statuer en septembre prochain, et en fonction de sa décision, nous devrions être en mesure ensuite de planifier une audition des responsables de cette société", précisent les magistrats.
Ces derniers en viennent ensuite à leurs difficultés à collaborer avec la justice allemande, précisant avoir formulé "trois demandes officielles de documents au Procureur du tribunal de Braunschweig, demandes qui n'ont pas abouti". Le parquet allemand "considère que la communication d'éléments de leur enquête aux juges français risquerait de perturber gravement l'avancée de leurs investigations", ajoutent-ils.
"L'Allemagne joue à cache-cache avec les juges français". "Cette lettre explique que l'instruction pourrait, peut-être, avoir un rythme de croisière plus convenable si l'État allemand avait décidé de collaborer de manière plus efficace et ne ralentissait pas par des atermoiements les demandes de collaboration que les juges d'instruction formulent", réagit Me Emmanuel Ludot, avocat d'une trentaine de parties civiles, interrogé par Europe 1. "Ce serait une République bananière, on comprendrait que tel ou tel dictateur d'un pays dans le Pacifique puisse jouer à ce jeu-là. Mais tout de même, c'est l'Allemagne, membre de la communauté européenne, qui joue à cache-cache avec des juges français..."
Le scandale des moteurs diesel truqués a éclaté en septembre 2015, après que l'agence américaine de l'environnement (EPA) a accusé Volkswagen d'avoir équipé 11 millions de ses voitures diesel, dont environ 600.000 aux États-Unis, d'un logiciel capable de fausser le résultat des tests antipollution et dissimulant des émissions dépassant parfois jusqu'à 40 fois les normes autorisées. Depuis, plusieurs parquets allemands ont ouvert des enquêtes pour fraude, manipulation de cours de Bourse ou publicité mensongère contre des cadres de Volkswagen et ses marques Audi et Porsche, mais aussi de Daimler et de l'équipementier Bosch.