Sa disparition connaît un retentissement planétaire, et suscite un début de crise diplomatique : le journaliste saoudien Jamal Khashoggi a été vu pour la dernière fois le 2 octobre à Istanbul, en Turquie, entrant au consulat d'Arabie saoudite. Exilé aux États-Unis depuis l'année dernière, il redoutait d'être arrêté après avoir critiqué certaines décisions du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane et l'intervention de Ryad au Yémen. Des responsables turcs ont affirmé qu'il avait été tué au sein du consulat saoudien, tout comme le Washington Post, journal américain avec lequel collabore Jamal Khashoggi.
Ces allégations ont été aussitôt qualifiées d'"infondées" par l'Arabie saoudite, qui dément toute implication dans l'éventuel meurtre du journaliste. Dimanche, Paris, Londres et Berlin ont publié une déclaration commune adressée aux autorités saoudiennes demandant une "enquête crédible" sur cette affaire. On vous refait le film.
2 octobre : Khashoggi se rend au consulat saoudien
À 13h14 heure locale, Jamal Khashoggi entre au consulat saoudien à Istanbul, selon une image de caméra de surveillance publiée par le quotidien américain Washington Post. Il a alors rendez-vous pour obtenir "un document saoudien certifiant qu'il n'était pas déjà marié", afin d'organiser son futur mariage, selon sa fiancée turque, Hatice Cengiz.
3 octobre : Khashoggi est injoignable
Le Washington Post s'inquiète de ne pas pouvoir le joindre. Sa fiancée campe devant le consulat en quête de nouvelles. "Selon les informations dont nous disposons", il "se trouve au consulat", indique alors la présidence turque.
4-5 octobre : Ryad affirme qu'il a quitté le consulat
Ryad affirme que Jamal Khashoggi a disparu après avoir quitté le consulat. L'ambassadeur saoudien est convoqué par le ministère turc des Affaires étrangères. "D'après ce que j'ai compris, il est entré et est ressorti après quelques minutes ou une heure", déclare à l'agence Bloomberg le prince héritier saoudien, invitant les autorités turques à "fouiller" le consulat.
6 octobre : Khashoggi aurait été tué dans le consulat
Des responsables turcs affirment que Jamal Khashoggi a été tué dans le consulat par une équipe de Saoudiens arrivés à Istanbul par avion et repartis le jour même. Ryad dément fermement, en qualifiant ces allégations d'"infondées".
7 octobre : Le corps a été découpé, selon le Washington Post
"Le corps de Khashoggi a été probablement découpé et mis dans des caisses avant d'être transféré par avion hors du pays", affirme le Washington Post, citant un responsable américain.
8 octobre : Le président turc s'en mêle
Le président turc Recep Tayyip Erdogan met les autorités saoudiennes au défi de prouver que le journaliste a quitté le consulat. Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo appelle Ryad à "soutenir une enquête approfondie".
9 octobre : Le consulat saoudien sera fouillé
L'Arabie saoudite a donné son feu vert pour une fouille du consulat par les Turcs, selon la Turquie. La chaîne publique turque TRT World rapporte que les autorités soupçonnent des Saoudiens d'être repartis avec les images de vidéosurveillance du consulat.
10 octobre : Les services américains au courant ?
Des images de vidéosurveillance, diffusées par des médias turcs, montrent l'arrivée à Istanbul de Saoudiens soupçonnés d'avoir conduit l'opération contre le journaliste, ainsi qu'un van entrant dans le consulat le 2 octobre, avant de se rendre à la résidence du consul. La veille, certains médias avaient évoqué la possibilité que le journaliste ait été enlevé et amené en Arabie saoudite. Le Washington Post affirme que les services de renseignements américains avaient connaissance d'un projet saoudien, impliquant le prince héritier, consistant à attirer le journaliste dans un piège pour l'arrêter, ce que dément le département d'État. Donald Trump réclame à son tour des explications à l'Arabie saoudite.
11 octobre: "Interrogé, torturé puis tué"
Le président turc réclame de nouveau des images de surveillance prouvant que le journaliste a quitté le consulat, alors que les Saoudiens affirment que leurs caméras ne fonctionnaient pas ce jour-là. Selon le Washington Post, Ankara a dit aux États-Unis détenir des enregistrements audio et vidéo montrant comment Jamal Khashoggi avait été "interrogé, torturé puis tué" à l'intérieur du consulat, avant que son corps ne soit démembré. D'après des journaux turcs, le journaliste était entré avec une montre intelligente connectée à un téléphone.
12 octobre : Des conséquences économiques
Une délégation saoudienne arrive à Ankara pour des entretiens. De grands noms du monde des affaires prennent leurs distances avec l'Arabie saoudite, au risque de compromettre d'ambitieux projets de réformes économiques du prince héritier. Le milliardaire britannique Richard Branson gèle plusieurs projets avec le royaume wahhabite. Plusieurs partenaires prestigieux décident de bouder le sommet "Future Invesment Initiative", un "Davos du désert", prévu fin octobre à Ryad. Emmanuel Macron réagit à son tour à l'affaire, en qualifiant les faits de "graves" et "inquiétants".
13 octobre : Washington menace de sanctions
Ryad dément toute intention d'assassiner le journaliste. Ankara reproche à Ryad de ne pas laisser les enquêteurs accéder au consulat à Istanbul. Donald Trump estime que l'Arabie saoudite pourrait être derrière la disparition du journaliste, menaçant Ryad d'un "châtiment sévère", tout en excluant un gel des ventes d'armes.
14 octobre : Ryad ripostera en cas de sanctions
Ryad promet des représailles en cas de sanctions prises à son encontre par Washington. La Bourse de Ryad perd jusqu'à 7% en séance face aux possibles répercussions de l'affaire. Londres, Paris et Berlin publient une déclaration commune adressée aux autorités saoudiennes demandant à ce que "la lumière soit faite" sur la disparition de Jamal Khashoggi, et réclament une "enquête crédible". Le roi Salmane d'Arabie saoudite, dans une tentative d'apaisement, affirme la "solidité" des relations avec la Turquie, lors d'un entretien téléphonique avec le président turc.