Les avocats de la Française Melina Boughedir, qui risque d'être condamnée dimanche à la peine de mort, ont dénoncé samedi une "ingérence inacceptable" du ministre français des Affaires étrangères qui a qualifié la jeune femme de "terroriste de Daech". "Il s'agit d'une pression inacceptable sur la justice irakienne et comme l'illustration, si besoin était, de votre volonté à tout prix, et au sacrifice des principes fondamentaux, que notre cliente ne revienne pas en France", écrivent ses avocats français dans une lettre adressée au ministre Jean-Yves Le Drian.
Risques d'un procès expéditif. "Personne ne peut douter dans ces circonstances, si une peine lourde était prononcée demain, que celle-ci serait immédiatement mise en relation avec l'ingérence inacceptable dont vous vous êtes rendu responsable", ajoutent Me William Bourdon, Martin Pradel et Vincent Brengarth. Ces déclarations "sont d'autant plus graves (...) que son avocat irakien n'a pas pu prendre connaissance de son dossier, ni la rencontrer en prison avant son procès", probablement "expéditif", dénonce le trio d'avocats, présent à Bagdad pour l'audience de dimanche.
"Elle est jugée sur les lieux de ses exactions". Jeudi, le ministre avait estimé que la Française de 27 ans était une "terroriste de Daech qui a combattu contre l'Irak" et réitéré qu'elle devait être jugée dans ce pays. "Quand on va à Mossoul en 2016, c'est pour combattre et donc elle est jugée sur les lieux de ses exactions. C'est la logique normale", avait-il déclaré à la chaîne d'information LCI. "Nous condamnons totalement la peine de mort" et "nous souhaitons qu'elle ne soit pas appliquée en Irak", avait relevé le ministre des Affaires étrangères, rappelant l'avoir dit aux autorités irakiennes lors de sa visite à Bagdad en février.
Jugée pour entrée "illégale" sur le territoire. Arrêtée durant l'été 2017 à Mossoul, ancienne "capitale" irakienne du groupe Etat islamique (EI) dans le nord du pays, Mélina Boughedir avait été condamnée en février à sept mois de prison pour entrée "illégale" en Irak et devait être expulsée vers la France. Mais la cour de cassation irakienne a réexaminé le dossier et estimé qu'il ne s'agissait pas d'une simple entrée illégale. Cette mère de quatre enfants - dont trois ont été rapatriés en France - est rejugée depuis le 2 mai pour "terrorisme" et risque la peine capitale.
Une autre djihadiste française, Djamila Boutoutaou, a été condamnée en avril à la prison à perpétuité pour appartenance au groupe EI, par la justice irakienne devant laquelle elle a plaidé avoir été dupée par son mari.