Pour tenter de prendre le dessus sur un rival, un Etat ne peut pas seulement de contenter de la force pure, le "hard power" : le soft power, qui consiste à utiliser la culture pour influencer le camp d'en face, compte tout autant. L'Ukraine en est bien consciente et a décidé de réagir radicalement : Kiev a placé samedi sur liste noire une dizaine d'artistes considérés comme "menace pour la sécurité nationale", les accusant d'avoir soutenu les rebelles prorusses dans l'est et l'annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par Moscou. Les personnes concernées sont principalement russes, mais pas seulement : on retrouve dans cette liste un certain Gérard Depardieu, devenu citoyen russe il y a deux ans.
Une liste d'artistes censurés. Ces artistes, dont la majorité sont des acteurs et chanteurs russes, sont désormais interdits d'antenne à la télévision et radio en Ukraine, a annoncé le ministère ukrainien de la Culture, qui a publié cette liste. Ni la télévision ni les salles de cinéma n'ont le droit de diffuser un film auquel participe un de ces acteurs mis sur liste noire, a expliqué la porte-parole du ministère, Daryna Glouchtchenko, ajoutant que les licences de ces films seront révoquées sous peu par l'agence ukrainienne pour le cinéma.
L'interdiction touchera jusqu'à des films datant de l'époque soviétique : la star du cinéma de l'URSS, Mikhaïl Boïarski, figure en effet sur la liste, le gouvernement lui reprochant d'avoir signé une lettre publique soutenant l'annexion de la Crimée, a précisé Mme Glouchtchenko. Les chanteurs russes ne sont pas en reste: les chansons de ceux figurant sur la liste ne pourront être diffusées ni à la radio ni à la télévision ukrainiennes. Ainsi, le légendaire crooner soviétique et député Iossif Kobzon, surnommé le "Frank Sinatra de l'URSS", est désormais interdit d'antenne, en plus d'être déjà visé par des sanctions européennes pour son soutien aux séparatistes prorusses.
Les relations entre l'Ukraine et la Russie sont au plus bas depuis l'annexion de la Crimée en mars 2014, suivie par la rébellion prorusse dans l'est de l'Ukraine que Kiev et les Occidentaux accusent le Kremlin de soutenir militairement. Ce conflit armé a déjà fait plus de 6.800 morts en seize mois.