AFP 3:46
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Aurélien Fleurot, au Qatar, édité par Thibaud Le Meneec , modifié à
Europe 1 s'est penchée sur les conditions de travail des ouvriers sur les chantiers de la Coupe du monde 2022, au Qatar, quatre mois après une deuxième plainte déposée par l'ONG Sherpa.
ENQUÊTE

Stades, routes, métro… les chantiers sont encore nombreux, à moins de trois ans de la prochaine Coupe du monde de football au Qatar. Jeudi, le Premier ministre Édouard Philippe se rend à Doha, capitale du pays, pour y visiter certains de ces chantiers. Là-bas, des ONG ont depuis longtemps alerté et dénoncé certains cas d'esclavage moderne. Les travaux sont-ils aujourd'hui réalisés dans le respect de la dignité humaine ? Europe 1 a enquêté.

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Une chose est certaine : les conditions se sont améliorées ces derniers mois, notamment parce que le gouvernement du Qatar a fait évoluer la loi, en supprimant par exemple l'obligation de demander la permission de quitter le pays à son employeur. C'est le système de la "kafala", qui interdisait également de changer d'employeur.

Bataille sur les salaires

L'une des preuves les plus spectaculaires de ces améliorations est la présence depuis un an, à Doha, d'un bureau de l'Organisation Internationale du Travail. "Inimaginable" il y a encore deux ou trois ans, selon Houtan Homayounpour, chargé du projet. Il se bat notamment pour obtenir davantage de garanties pour les salariés des chantiers : "Le gouvernement a déjà mis en place un salaire minimal temporaire. On est en train de travailler avec le gouvernement pour avoir un salaire minimal tout court, non-discriminatoire, pour les travailleurs de toutes les nationalités, dans tous les secteurs."

Outre cette question des salaires, il y a aussi le sujet des conditions de vie. Des "camps de vie" ont été créés et certains accueillent plusieurs milliers d'ouvriers. Nous avons pu visiter un camp de vie situé à 50 km au nord de Doha : il faut s'imaginer un village où vivent en ce moment 1.200 personnes, avec son petit supermarché, ses équipements sportifs, son cyber-café et sa cantine géante aux multiples stands qui proposent de la nourriture indienne, népalaise, sri lankaise, philippine, pour chaque nationalité présente.

"Ici, c'est classe"

C'est donc un camp "exemplaire" qui a été montré à quelques journalistes français par les équipes de Vinci, où vivent les salariés qui travaillent sur les chantiers du métro de Doha et du tram de Lusail, dans des conditions confortables, en tout cas si on les compare à ce qu'ont connu beaucoup de ces ouvriers.

" Les repas sont donnés à temps et chauds, tout est sous contrôle "

"Les choses ont beaucoup changé ici, particulièrement dans le camp", raconte Rostain, travailleur camerounais. "Quand on présente des doléances au chargé de camp, il ne traîne pas, pour la santé, notamment. Les repas sont donnés à temps et chauds, tout est sous contrôle. Ailleurs, on retrouve des gens regroupés dans des chambres à 6, 7 personnes alors qu'ici, c'est classe et le nettoyage est de rigueur." "Si on est payé à temps et que le logement est bien, c'est suffisant. On a juste besoin d'argent pour aider notre famille", complète Ashraf, originaire du Bangladesh.

Audit satisfaisant et nouvelle plainte

Organiser la visite de ce camp était une réponse aux plaintes pour travail forcé ou mise en danger délibérée déposées par l'ONG française Sherpa. Vinci dément fermement ces accusations : "On a commencé le travail bien avant Sherpa", explique Franck Mougins à propos des résultats d'un audit indépendant réalisé par la Fédération syndicale mondiale des Travailleurs du Bâtiment faisant état de bonnes pratiques. "On n'était sans doute pas assez ouvert sur l'extérieur, on ne dialoguait sans doute pas assez avec les ONG, ce que nous avons depuis réalisé. Tous les gens qui interviennent sur nos chantiers sont sous notre responsabilité, qu'il s'agisse de nos ouvriers, des intermédiaires ou des sous-traitants."

De son côté, l'ONG Sherpa se félicite de ces avancées, mais souhaite que l'enquête se poursuive suite aux nouveaux témoignages d'anciens travailleurs, rencontrés en Inde, en septembre 2018. "Quand bien même il y aurait des améliorations et nous nous en réjouissons, les faits que nous dénonçons ne sont pas prescrits", observe Marie-Laure Guislain, responsable des contentieux au sein de l'organisation. "Nous demandons à ce que l'instruction soit faite de manière plus sérieuse que l'enquête préliminaire, à la lumière de ces nouveaux témoignages d'anciens travailleurs, qui confirment tous les faits déjà dénoncés dans la première plainte." La première plainte de Sherpa avait été classée sans suite et la deuxième se fait cette fois avec constitution de partie civile. Le bras de fer entre des ONG et des multinationales est donc loin d'être terminé.