Après deux ans d’une enquête qualifiée de potentiellement explosive pour Donald Trump, le procureur spécial Robert Mueller a rendu ses conclusions. Et les premiers éléments, dévoilés dimanche, sont finalement favorables au président américain puisqu’ils ne mettent pas en évidence de preuves d’une entente illégale entre l’équipe de campagne de Donald Trump et des émissaires russes dans le but de manipuler l’élection présidentielle de 2016. Le locataire de la Maison-Blanche, qui jubile en vue de la présidentielle de 2020, n’est pourtant pas totalement mis hors de cause.
Pas de preuves d’une "entente" avec la Russie
Depuis 2016, des proches du président étaient suspectés d’avoir rencontré une avocate proche de Moscou lors de la campagne présidentielle, dans le but de collaborer afin de discréditer la candidature d’Hillary Clinton. Une hypothèse qui tombe à l’eau. "Les investigations du procureur spécial n'ont pas déterminé que l'équipe de campagne Trump ou qui que ce soit associé à celle-ci se soit entendu ou coordonné avec la Russie dans ses efforts pour influencer l'élection présidentielle américaine de 2016", a indiqué le ministre de la Justice Bill Barr, dimanche.
Un verdict que Donald Trump s’est empressé de transformer en victoire judiciaire... et politique. "Pas de collusion, pas d'obstruction, DISCULPATION complète et totale", a réagi le locataire de la Maison-Blanche, sur Twitter évidemment. Il dénonçait depuis des mois une "chasse aux sorcières" orchestrée par les démocrates qui n'auraient pas digéré sa victoire-surprise face à Hillary Clinton. "Honnêtement, c'est une honte que votre président ait eu à subir cela", a-t-il ensuite déclaré, dénonçant une "entreprise de démolition illégale qui a échoué".
Encore des doutes sur une éventuelle entrave à la justice
Les investigations du procureur spécial portaient également sur un soupçon d’entrave à la justice dans le cadre de cette enquête, en raison des pressions verbales exercées par Donald Trump sur l'ancien ministre de la Justice Jeff Sessions et son adjoint Rod Rosenstein ou encore du limogeage du chef du FBI James Comey en mai 2017. Le rapport de Robert Mueller ne semble pas aussi définitif sur ce point que sur les accusations de collusion. "Si ce rapport ne conclut pas que le président a commis un crime, il ne l'exonère pas non plus", a-t-il écrit, cité par le ministre de la Justice.
Bill Barr, premier destinataire du rapport d'enquête tant attendu, conclut de son côté que le document, qu'il a minutieusement épluché depuis vendredi, ne mentionne aucun délit susceptible d'entraîner à son avis des poursuites judiciaires sur le fondement de l'entrave à la justice. De quoi entraîner de vives contestations dans le camp des démocrates, qui estiment que le ministre de la Justice n’est "pas un observateur neutre" et peut très bien interpréter le rapport.
Les démocrates cherchent un nouvel angle d’attaque
Les démocrates, justement, ont immédiatement tenté de trouver une faille dans le triomphe de Donald Trump. Les leaders de l’opposition au Congrès ont ainsi exigé la publication du rapport complet, et non un simple résumé comme celui rendu public par Bill Barr. "La lettre du ministre de la Justice pose autant de questions qu'elle apporte de réponses", ont écrit la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et le chef de file de la minorité au Sénat, Chuck Schumer. "Il est urgent que le rapport complet et tous les documents associés soient rendus publics", ont-ils ajouté.
Les démocrates misent désormais tout sur l’entrave à la justice, pas totalement écartée par les premières conclusions du procureur spécial. "Loin de la 'disculpation complète' revendiquée par le président, le rapport Mueller n'innocente clairement pas le président", ont réagi les démocrates Jerrold Nadler, Adam Schiff et Elijah Cummings, qui dirigent trois puissantes commissions parlementaires du Congrès. Commissions qui ont lancé plusieurs enquêtes allant des soupçons de collusion avec Moscou aux paiements pour acheter le silence de maîtresses supposées en passant par d'éventuelles malversations au sein de l'empire Trump.
L’"impeachment" s’éloigne, la présidentielle se rapproche
Mais si Donald Trump n’est pas totalement tiré d’affaire, il semble désormais à l’abri d’un "impeachment". La menace d’une procédure de destitution, qui plane au-dessus de lui quasiment depuis le début de son mandat, s’éloigne avec les conclusions du procureur. L’enquête russe était en effet le principal argument des opposants de Donald Trump pour l’évincer de la Maison-Blanche. "Il est possible que la seule réponse possible soit une procédure de destitution mais, pour moi, la façon la plus claire de mettre fin au Trumpisme est de le battre de manière massive dans les urnes", a ainsi assuré Pete Buttigieg, candidat aux primaires démocrates pour la présidentielle de 2020.
Une élection vers laquelle Donald Trump peut à présent se tourner un peu plus sereinement. Le président, qui a déjà fait savoir qu’il comptait briguer un deuxième mandat (il aura alors 74 ans), vient de se débarrasser, en partie, d’un boulet qui aurait pu entraîner des réticences sur sa candidature dans son propre camp. Face à des démocrates encore très divisés (quatorze candidats se sont déjà déclarés), seul le bilan politique, économique et diplomatique de Donald Trump devrait faire office de juge de paix.