États-Unis : derrière les droits de douane, une doctrine économique réfléchie

Ce 2 avril est "le jour de la libération" selon les propres mots de Donald Trump. À partir de ce mercredi, Washington met en place des droits de douane à 25% sur les voitures importées sur le sol américain et de nouvelles annonces sont attendues. Si le président américain peut parfois donner l’impression d’agir par impulsion à travers des annonces frénétiques, il suit en fait un plan très réfléchi.
Le plan a été élaboré par celui qui préside le Conseil économique de Donald Trump, Stephen Miran. Cet homme de 41 ans est diplômé d’Harvard en économie. En novembre dernier, avant de rejoindre la nouvelle administration Trump, il a signé une note intitulée "Guide pour restructurer le système commercial mondial".
Dans ce papier, Stephen Miran dresse le constat de la désindustrialisation des États-Unis et de la dégradation des finances publiques américaines. Pour l’économiste, c’est la faute du dollar, la monnaie de réserve mondiale.
Un dollar trop fort ?
Pour le reste du monde, la devise américaine est un atout. Mais pour Stephen Miran, l’attractivité du dollar gonfle artificiellement sa valeur. Le billet vert se retrouve surévalué, ce qui pèse sur l’économie américaine. Un dollar fort, c’est un déficit et une dette publique qui se creusent. C’est aussi un handicap pour la compétitivité des entreprises.
"On a toujours considéré de l'extérieur que le dollar permettait aux Américains de s'endetter sans difficulté et d'avoir un déficit commercial qui ne posait pas véritablement de problème", raconte Elvire Fabry, chercheuse à l’Institut Jacques Delors en géopolitique du commerce. "Ce que l'on voit maintenant, c'est que Donald Trump s'attaque aux dépenses de l'État."
Alléger la dette américaine
Selon le conseiller économique en chef du président des États-Unis, les pays détenteurs de la dette américaine doivent accepter d’échanger leurs bons du trésor américain contre des obligations à plus long terme et beaucoup moins rentables.
"C’est une manière d’étaler les charges d’intérêt de la dette, mais rien n’oblige les Chinois, les Japonais ou encore les Européens à accepter cet échange de dette", prévient Christian de Boissieu, professeur émérite à Panthéon-Sorbonne, vice-président du Cercle des économistes et président de la Fondation Concorde.
Les droits de douane comme argument de négociation
Rien ne les y oblige, sauf la menace de droits de douane élevés. Ceux-ci ne seraient donc qu’une arme de négociation pour Washington. "On est sur un terrain qui n'est pas simplement une guerre commerciale, mais qui est aussi une guerre monétaire", résume Elvire Fabry.
La méthode Miran a le mérite d’expliciter les annonces de Donald Trump concernant l’acier, l’aluminium et plus récemment les voitures importées aux États-Unis. Mais peut-elle se montrer efficace ? "L’administration Trump veut le beurre et l’argent du beurre, estime Christian de Boissieu, un dollar qui reste conquérant mais qui baisse aussi. Or, à force de le faire baisser, il y aura un moment où ils vont fragiliser la confiance dans le dollar. Ils ne vont pas au bout du raisonnement."