L'Équateur est en crise. Alors que le pays d'Amérique du Sud a connu une augmentation des assassinats dans les rues de 800% entre 2018 et 2023, passant de 6 à 46 pour 100.000 habitants, la situation sécuritaire du pays s'est grandement détériorée depuis quelques jours. Le président du pays, Daniel Noboa a même reconnu à travers un décret présidentiel "l'existence d'un conflit armé interne" et a ordonné "la mobilisation et l'intervention des forces armées et de la police nationale (...) pour garantir la souveraineté et l'intégrité nationale contre le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non étatiques".
Évasions et mutineries
Dans un pays qui compte 18 millions d'habitants, devenu depuis quelques années la plaque tournante de l'exportation de cocaïne produite dans les pays voisins, les narcotrafiquants ont pris du pouvoir. Élu à la présidence en novembre dernier, après avoir promis de rétablir la sécurité du pays, Daniel Noboa se retrouve lui dans une situation intenable. Tout a commencé dimanche 7 janvier lorsque le chef du gang des Choneros, Adolfo Macias, surnommé "Fito", s'est évadé de la prison de Guayaquil, ville portuaire située dans l'ouest du pays.
Cet individu, au CV criminel long comme le bras, avait été condamné en 2011 à une peine de 34 ans de prison pour crime organisé, trafic de drogue et meurtre. C'est en 2020 qu'il était devenu le leader du gang qui compte près de 8.000 membres.
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Les forces de sécurité "sont à pied d'œuvre pour retrouver cet individu extrêmement dangereux", a ainsi déclaré le secrétaire à la communication Roberto Izurieta, lors d'une interview donnée à une chaîne de télé locale. Il a aussi déploré que "le niveau d'infiltration" des groupes criminels au sein de l'État "soit très élevé" et a qualifié le système pénitentiaire équatorien d'"échec".
Malheureusement, cette évasion a eu un effet domino. Mardi, un des chefs de Los Lobos, autre puissant gang de narcotrafiquants, s’est, lui aussi, évadé de la prison où il était enfermé et de nombreuses mutineries ont eu lieu dans d'autres établissements carcéraux du pays. Certaines vidéos diffusées mardi sur les réseaux sociaux ont montré l'exécution d'au moins deux gardiens, par arme à feu et pendaison. L'administration pénitentiaire a de son côté fait état de 139 membres de son personnel retenus en otage dans cinq prisons du pays.
Des scènes choquantes
Dans la journée de mardi, une émission de télévision tournée à Guayaquil a elle été perturbée en plein direct par des hommes armés. Ces derniers ont brièvement pris en otages les journalistes et employés de la chaîne avant d'être interpellés par la police. Personne n'a semble-t-il été tué ou blessé dans le raid et 13 assaillants ont été arrêtés.
Dans la ville côtière de Machala, "trois fonctionnaires de la police qui étaient de service" ont été enlevés, a annoncé durant la nuit de lundi à mardi la police sur X (ex-Twitter). Un quatrième policier a lui été kidnappé à Quito par trois individus à bord d'"un véhicule aux vitres teintées et sans plaques". D'autres images, dont la véracité reste difficile à vérifier, montrent des villes en proie au chaos avec notamment des attaques au cocktail Molotov, des voitures incendiées, des tirs au hasard sur des policiers ou encore des scènes de paniques de grandes ampleurs.
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Alors que de nombreux hôtels et restaurants ont fermé dans plusieurs grandes villes du pays, le ministère de l'Éducation a aussi ordonné mardi soir la fermeture jusqu'à vendredi de toutes les écoles du pays. Le président équatorien a lui fourni une liste exhaustive des bandes criminelles dont il veut la "neutralisation", tout en soulignant la nécessité pour les forces armées d'agir "dans le respect des droits de l'homme".
La communauté internationale réagit
Du côté de la France, le ministère des Affaires étrangères a demandé aux Français qui souhaitent se rendre en Equateur de "différer leurs projets". Du côté de la Russie, Moscou a demandé à ses ressortissants de "tenir compte de l'instabilité de la situation en envisageant des voyages en Équateur" et "d'éviter de se rendre dans des lieux publics".
Les États-Unis se sont eux montrés "extrêmement préoccupés par la violence" et "prêts à fournir de l'assistance", par l'intermédiaire du chef de la diplomatie américaine pour l'Amérique latine, Brian Nichols. D'autres pays du continent comme le Brésil, le Chili, la Colombie ou encore le Pérou ont, eux aussi, exprimé leur soutien à l'Équateur.