Le départ de Juan Carlos pourrait-il marquer une crise du régime en Espagne ? Selon l'historien Benoît Pellistrandi, spécialiste de l'Espagne contemporaine, la figure de Juan Carlos est inséparable de la démocratie espagnole. Ainsi, le voir annoncer son départ d'Espagne pourrait contribuer à ébranler la monarchie espagnole. "La figure de Juan Carlos est indissociablement liée à la sortie de la dictature franquiste et à la construction d'une démocratie, la première expérience durable de démocratie libérale."
L'incarnation de la démocratie espagnole
Il était le dauphin du dictateur Franco et il a mené l'Espagne à la démocratie. Juan Carlos a été le "réconciliateur des Espagnols" et s'il n'est pas "le seul accoucheur de la démocratie", sa figure y est historiquement liée. Comme l'explique Benoît Pellistrandi, "la constitution de 1978 précise bien que la monarchie voulue par Franco, c’était Juan Carlos et sa descendance. Son nom est dans la constitution espagnole". C'est pour cette raison que les scandales qui le touchent et son exil peuvent avoir un impact institutionnel aussi fort. "Avec la crise d'image, de réputation qui touche l'ex-souverain, c'est la fondation de la monarchie qui est atteinte."
L'historien souligne aussi qu'il ne faut pas se tromper sur les raisons de ce départ. "Cette décision que l'on présente comme celle de l'ex-roi, est [en réalité] celle du gouvernement et du roi actuel, qui ont contraint Juan Carlos à quitter l'Espagne. On l'a forcé, de la même façon qu'on l'avait contraint à l'abdication en 2014."
Des aspirations républicaines en Espagne
Pour Benoît Pellistrandi, c'est notamment le résultat de "l'action de forces républicaines qui voudraient bien en finir avec la monarchie". Preuve en est, selon lui, "la réaction du président du parlement catalan, qui a demandé au roi Felipe VI d'abdiquer, en lui disant 'vous avez protégé la fuite de votre père'".
En effet, comme l'explique l'historien, "les Catalans rêvent d'une république catalane autonome". "Quand il va en Catalogne, Felipe VI n'est plus reçu par les autorités et les ministres de la gauche radicale refusent de l'accompagner" dans un certain nombre d'engagements protocolaire, rappelle l'historien. "La grande victime de [cet épisode] est cette incarnation monarchique qui représente à la fois l'unité de l'Espagne mais aussi l'adhésion de tous les Espagnols au pacte démocratique de 1978", conclut-il.