Le parquet national antiterroriste a annoncé avoir ouvert mardi une enquête préliminaire pour "tentative d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste", après "l'explosion qui a touché le véhicule occupé par un équipage de cinq Français", sur le Dakar 2022 en Arabie Saoudite. Mercredi matin, l'éditorialiste Vincent Hervouët livre son analyse sur cet évènement qui a eu lieu le 30 décembre dernier à Djeddah et estime qu'il s'agit d'un acte directement dirigé contre la France.
Le Dakar pollue, pue le vieux monde égoïste et tue
En général, en début d’année, le Dakar est victime de toutes sortes d’attaques mais dans la presse parisienne… C’est un "marronnier" à dénoncer les ringards qui foncent vers l’enfer écologique pied au plancher, en montant le son de l’autoradio où chante pour toujours Daniel Balavoine. Et si on reste indifférent au bilan carbone, parce qu’il est insignifiant à côté des grandes manifestations sportives qui déplacent des foules, on est prié de savoir que le rallye a causé la mort de 70 personnes, dont 25 pilotes. Le Dakar, cela pollue, cela pue le vieux monde égoïste et en plus cela tue. Entendez le grand sanglot de l’homme blanc qui s’accuse de souiller encore et toujours l’Eden primitif.
Ce qui est vrai, c’est que le rallye a dû renoncer à rallier Dakar en traversant le Sahel, à cause des groupes djihadistes. Après avoir erré au Cap, puis au Caire, puis une dizaine d’années en Amérique latine, le rallye sillonne pour la troisième fois les sables d’Arabie. C’est beaucoup plus sûr. Ça devrait l’être. Le royaume des Saoud est le gardien des Lieux saints de l’Islam, c’est aussi le paradis des "Moukhabarats". La police secrète y est omniprésente.
Alors comment expliquer l’explosion du véhicule dans lequel se trouvait six Français qui quittaient leur hôtel de Djeddah ? Elle était piégée. Il n’y a que le ministre de l’Intérieur saoudien pour parler sans rire d’accident et écarter solennellement tout soupçon d’ordre criminel. Le Prince Abdelaziz Ben Saoud Ben Nayef ne connaît rien au moteur à explosion. C’est un grand artiste du déni. Du genre à douter que Jamal Kashoghi ait été découpé à la scie à os et à suggérer qu’il a disparu parce qu’il joue à cache cache.
Une lettre anonyme pour un maximum d'écho
L’attentat de Djeddah, puisque c’en est un, est un défi au régime. Le royaume mise sur le sport pour changer son image de marque. En piégeant un véhicule, juste avant que la caravane du Dakar s’élance, les poseurs de bombes étaient sûrs d’obtenir un maximum d’écho.
C’est un attentat contre les étrangers mais il n’a pas grand-chose à voir avec les pulsions djihadistes qui ciblent régulièrement les Occidentaux. On se souvient d’une tuerie en 2007, des familles d’expatriés français mitraillés alors qu’ils pique-niquaient en revenant d’excursion. Les terroristes leur ont demandé leur nationalité avant de sortir les fusils d’assaut. Il n’y avait rien non plus de prémédité semble-t-il dans l’attaque au couteau, il y a un peu plus d’un an, contre le consulat de France à Djeddah. Alors que piéger un véhicule dans le parking d’un hôtel de Djeddah réclame une expertise, une organisation, un complot… Comme tous les attentats, c’est une lettre anonyme.
Une réponse à l'engagement de la France ?
La signature est floue, le message est clair. Il y a juste un mois, Emmanuel Macron était à Djeddah, le premier chef d’Etat à rencontrer le Prince héritier MBS. Comme d’habitude, on a mis en scène la signature de contrats mirobolants et on a parlé du sauvetage du Liban. Difficile de savoir si ces châteaux de sable vont résister au vent du désert.
Ce qui n’est pas un mirage, c’est l’engagement de la France auprès de l’Arabie et des Emirats Arabes unis. La France est leur alliée stratégique. Notamment dans la guerre au Yémen. Et dans la lutte à mort contre les Mollahs iraniens. Les enquêteurs de la DGSI auront besoin du talent des pilotes pour éviter de se perdre ou de s’enliser dans le désert.