Le révolutionnaire cubain, connu pour ses discours fleuves, son uniforme vert olive et son rôle sur la scène internationale aura gouverné pendant plus de 40 ans l’île des caraïbes. Il est mort vendredi 25 novembre à 90 ans, a annoncé samedi son frère Raul, qui lui a succédé au pouvoir en 2006.
Le "líder" de la révolution. Castro, c’est d’abord un héros de la révolution. Lorsqu’il entre dans la Havane, le 8 janvier 1959, après avoir renversé le gouvernement de Batista - arrivé au pouvoir en 1952 après un coup d’Etat - Fidel Castro est acclamé, en leader, en sauveur. Le cubain, alors âgé de 33 ans, est perçu comme un Robin des bois, arrachant l’ile à la pauvreté sous Batista. "Il est évident que pendant des décennies, il existait une dévotion de toute une partie de la population cubaine", pointe Jean-Pierre Clerc, journaliste et écrivain, invité en 2015, d’Au cœur de l’histoire, sur Europe 1.
Quelques années plus tôt, en 1953, ce fils de riche immigré espagnol, élevé chez les jésuites, a déjà tenté de renverser le régime dictatorial lors de l’attaque de la caserne de Moncada, à Santiago de Cuba. Un échec. Castro est arrêté et condamné à 15 ans de prison avant de bénéficier d’une loi d’amnistie et de s’exiler au Mexique. Il y organisera la résistance au sein du Mouvement du 26 juillet aux côtés d’un certain Ernesto Che Guevara.
La révolution castriste trouve en Europe des échos favorables et incarne une forme d’espoir. "Les discours de Castro étaient politiquement structurés et militairement forts mais il y avait un discours social qui allait avec. Cela donnait une nouvelle coloration à la notion de révolution qui était devenue rance en URSS", analyse Jean-Pierre Clerc.
Les Etats-Unis reconnaissent même dans un premier temps le régime cubain. Mais très vite, les premières mesures de Castro au pouvoir – l’exécution des anciens partisans de Batista, la nationalisation de l’économie et des grosses sociétés américaines, l’agriculture collectivisée et le rapprochement avec l’URSS de Kroutchev- vont les faire changer d’avis.
Le dirigeant qui défie l’Amérique. Pendant presque cinquante années au pouvoir, Fidel Castro a tenu tête aux Etats-Unis. Washington ne veut pas du régime communiste du ‘Barbudo’ et tente en 1961 de renverser Castro. C’est le Débarquement de la baie des Cochons, fomenté par la CIA. Un fiasco qui pousse Fidel Castro à s’allier ouvertement avec l’URSS. En 1962, Kroutchev installe des missiles à Cuba, pointés vers les Etats-Unis. Pendant quatorze jours, la crainte d’une guerre nucléaire plane avant qu’un accord soit trouvé : les missiles russes sont enlevés et Cuba obtient l’assurance que l’île ne sera pas envahie.
Il faut attendre l’arrivée au pouvoir de Raul Castro, le petit frère de Fidel, à partir de 2006, pour que les relations entre les deux pays s’apaisent. L’embargo américain, qui interdit aux Américains d’investir et de faire du tourisme sur l’île, en place depuis 1962, commence depuis à s’assouplir.
Reste que Fidel Castro n’oublie pas les confrontations passées avec son meilleur ennemi. Quelques jours après une visite historique du président Barack Obama sur son île, en mars 2016, il affirme ainsi dans une lettre : "Nous n’avons pas besoin que l’empire nous fasse cadeau de quoi que ce soit".
Un homme d’influence. Fidel Castro a exporté son modèle de révolution, notamment en Afrique. Au milieu des années 1970, des soldats cubains aident les rebelles communistes angolais à se maintenir au pouvoir dans le pays face aux troupes soutenues par l’Afrique du Sud. "Castro est un aventurier", assure Jean-Pierre Leclerc, auteur de Fidel Castro, une vie, sur Europe 1. "Il a contribué via l’Angola à secouer le régime de l’union sud-africaine et de l’apartheid. Nelson Mandela dès sa sortie de prison a d’ailleurs réservé son premier voyage à l’étranger à La Havane pour remercier Fidel Castro de son soutien indirect à la chute de l’apartheid."
Le modèle cubain s’exporte aussi en Amérique Latine. Castro envoie des aides militaires aux guerillas marxistes avant de développer des accords commerciaux avec le Venezuela d’ Hugo Chavez à la fin des années 1990 et la Bolivie d’Evo Morales. "Fidel est pour moi un père, un compagnon, un maitre en stratégie parfaite", affirme Hugo Chavez en 2005 dans l’unique quotidien cubain Granma.
Le socialiste jusqu’à la mort. Dès son arrivée au pouvoir Fidel Castro fait le choix du socialisme et se rapproche de l’URSS. Il nationalise l’économie et met l’accent sur l’éducation et la santé, qu’il veut accessible à tous. Son système de santé est d’ailleurs reconnu en 2010 comme le meilleur d’Amérique Latine. Malgré la chute du communiste en Europe à la fin des années 1980, Fidel Castro continue de défendre bec et ongle l’idéologie marxiste. Le mot d’ordre : "Le socialisme ou la mort".
Mais son économie, basée principalement sur son commerce avec le bloc soviétique, s’effondre. Pour y faire face, Castro met en place de nombreuses réformes. C’est "la période spéciale". Rien n’y fait pourtant, le pays s’enfonce dans la pauvreté et le système D.
En 2006, malade, Fidel laisse peu à peu les rênes du pouvoir à son frère Raoul. En février 2008, ce dernier devient officiellement président de Cuba et, en avril 2011, il assume également la direction du tout puissant PCC à laquelle Fidel a renoncé. Mais dans un message adressé aux Cubains, la même année, Fidel l’affirme, il continuera à lutter "comme un soldat des idées".
Le dictateur. Fidel Castro, c’est aussi le dictateur. S’il n’existe pas ouvertement de culte de la personnalité à Cuba, comme c’est le cas dans d’autres dictatures d’Amérique Latine, la présence du Líder Maximo reste forte. La parole est bâillonnée. Impossible de critiquer le régime. Ses opposants sont arrêtés, la liberté d’expression cubaine est verrouillée. Dans les quartiers, des milices, les comités de défense de la révolution, surveillent la population. Aussi, des dizaines de milliers de cubains fuient leur île chaque année.
En 2003, la répression s’intensifie. Le gouvernement emprisonne 75 dissidents : des journalistes, des militants des droits de l’homme, des intellectuels. Las Damas de blanco, épouses, mères, parentes de dissidents cubains emprisonnés, manifestent à Cuba contre leur condamnation en marchant dans les rues habillées de blanc.
L’icône. Reste que Fidel Castro a continué et continuera sans doute à jouir d’une aura particulière pour son charisme, ses discours fleuves et ses treillis vert olive. "Fidel est un énorme séducteur, très conscient de son charisme", confie l’historienne franco-vénézuélienne Elisabeth Burgos, dans un entretien accordé à l’Express en 2014. "Il est capable de jouer l’enfant, le confident, le grand frère, l’ami intime et vous faire croire que vous êtes avec lui sur un pied d’égalité".