Des avocats ont demandé vendredi aux autorités françaises des rapatriements d'urgence de plusieurs personnes gravement malades actuellement détenues dans le camp kurde de Roj en Syrie, dans un communiqué et des déclarations à l'AFP. L'état de santé d'un des enfants mineurs d'Estelle K., "partie en Syrie avec ses trois enfants mineurs et son époux en 2014" et "prisonnière" depuis 2017 "dans la région de Deir Ezzor (nord-est syrien)", est "extrêmement alarmant", selon un communiqué de Me William Bourdon et Vincent Brengarth.
"Un rapatriement d'urgence s'impose"
"Sa vie est menacée. Les soussignés enjoignent le gouvernement de procéder au rapatriement en urgence de cet enfant et de sa famille", écrivent-ils. D'après eux, un cardiologue français saisi du dossier a estimé qu'"un rapatriement d'urgence s'impose, son état commande en effet que des soins spécialisés soient effectués". "Les correspondances adressées au ministère des Affaires étrangères demeurent aujourd'hui sans réponse. Les soussignés sont sidérés par ce silence que rien n'explique au vu de la très grande gravité de la situation. Ils interpellent par conséquent publiquement les autorités pour demander le rapatriement de cet enfant et de sa famille", écrivent-ils aussi.
Auprès de l'AFP, Me Marie Dosé a alerté sur la situation d'une femme, mère de deux enfants, également détenue à Roj, "victime d'un AVC récemment, paralysée, et hospitalisée mercredi pour insuffisance respiratoire". "Il faut absolument la rapatrier", a-t-elle indiqué. Elle a dit avoir adressé durant l'été "des dizaines" d'alertes et de demandes de rapatriement aux autorités françaises concernant des mères et leurs enfants. "Ces enfants ont passé trois, quatre ou cinq ans dans des prisons à ciel ouvert, à respirer l'odeur des puits à pétrole et n'ont bénéficié d'aucun soin approprié. Beaucoup souffrent d'insuffisance respiratoire et portent les stigmates de leurs blessures qui n'ont jamais été soignées", d'après elle.
Large majorité de Français résolument hostile au rapatriement
"La France les maintient là en toute connaissance de cause. Plus les enfants rentrent tard en France, plus leur prise en charge médicale et psychologique sera difficile", a-t-elle fait valoir. Le 5 juillet, 16 femmes et 35 mineurs, qui vivaient pour certains depuis la chute en 2019 du groupe État islamique dans des camps du Nord-Est de la Syrie tenus par les forces kurdes, ont été ramenés en France. Toutes les femmes, visées soit par un mandat d'arrêt soit par un mandat de recherche émis par la justice française, ont été mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et écrouées, dès leur arrivée sur le sol français ou à l'issue de quelques jours de garde à vue. Les enfants ont été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance.
Lors de son premier quinquennat, le président Emmanuel Macron s'était montré très réticent à faire revenir les ressortissants français partis faire le jihad en Syrie, conscient qu'une large majorité de Français y était résolument hostile. Seuls quelques enfants ont été rapatriés, selon la doctrine du "cas par cas". Mais alors que d'autres pays ont récupéré leurs ressortissants ces derniers mois, la position de Paris s'est infléchie.