Les observateurs de l'Union européenne, envoyés pour surveiller le bon déroulement de l'élection présidentielle, ont été écoutés par les services secrets d'Ali Bongo, révèle le Journal du Dimanche qui va jusqu'à parler de "Watergate gabonais". L'affaire pourrait se retourner contre le président réélu, puisque les conversations révèlent de lourds soupçons de trucage lors du scrutin qui l'opposait à Jean Ping, le 27 août dernier.
Le scrutin truqué. Le JDD révèle une vingtaine d’enregistrements clandestins, capturés pendant près d'un mois, dans lesquels on apprend tout des craintes et des convictions des observateurs européens. Pour eux, cela ne fait aucun doute : l'élection a été truquée. Une soixantaine d'observateurs avaient été dépêchée dans les neuf provinces du Gabon pour vérifier que le processus électoral était opéré de façon impartiale. Mais dans le Haut-Ogooué, le fief du clan Bongo, "les observateurs ont été sortis au moment des opérations de dépouillement".
Le fief de Bongo, au centre des soupçons. "Bongo sait qu'il a perdu, mais comment il va faire pour annoncer qu'il a gagné ?", ironise l'un des observateurs dans un de ces enregistrements. "Des urnes sont en cours d'acheminement à Libreville et vont faire la différence", prévient un autre. Il ajoute : "Y'a 3.000 voix d'écart qui seraient annoncées pour Bongo, alors qu'à l'origine y'avait 60.000 voix d'écart pour Ping. Comment faire avaler la couleuvre ?". Le 31 août, le ministère de l'Intérieur annonce la victoire d'Ali Bongo avec 5.500 voix d'avance sur son adversaire Jean Ping. Les chiffres du Haut-Ogooué sont, au mieux, intrigants : 97% de participation (contre 59,5% dans le reste du pays) et 95,46% pour Ali Bongo.
Des conversations "cash". "Grâce à ces écoutes, on découvre à quel point les observateurs pensent, quand les résultats sont publiés, qu'ils sont manipulés", précise Laurent Valdiguié, journaliste au JDD, au micro d'Europe 1 dimanche. "Paradoxalement, ces diplomates, qui sont pourtant habitués à parler de façon policée, prudente et soft, on sait ce qu'ils pensent...", souligne le journaliste, qui a révélé l'affaire. Peu de filtres en effet dans les conversations des observateurs. Certains, pourtant, se doutent qu'ils sont écoutés. "C'est probable à 80%", avance même l'un d'eux, qui ne freinera pourtant pas le flot d'informations transmises lors de cette conversation censée rester privée.
"On voit bien que l'Union européenne joue sa crédibilité dans le rapport qu'elle va rendre dans les deux mois", affirme Laurent Valdiguié. "Il y a toute une trace de cette triche que l'Union européenne va avoir bien du mal à cacher".