Vingt-sept ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, commémoré ce mercredi, le président rwandais Paul Kagamé a salué le rapport commandé à des historiens par Emmanuel Macron. Si ce rapport écarte la complicité de la France dans ce génocide, il reconnaît des "responsabilités lourdes et accablantes". Une étape importante dans la normalisation des relations entre Paris et Kigali.
Près d'un million de victimes assassinées en trois mois
Le 7 avril 1994, il y a 27 ans jour pour jour, le début des massacres de masse commençait au Rwanda. Il s’agit du dernier génocide du 20e siècle. Au petit matin, des miliciens extrémistes hutus déclenchaient cette tentative d'éradication génocidaire. Près d'un million de victimes tutsis ont été assassinées en à peine trois mois, souvent à la machette, ce qui pouvait laisser croire à une irruption de violence spontanée après l'assassinat du président Juvénal Habyarimana, dont l'avion avait été abattu la veille. Mais cette explication n'était pas du tout la bonne.
Le gouvernement rwandais était alors soutenu sans réserve par la France
Ce génocide a bien été réalisé avec des moyens primitifs, mais son organisation a en revanche été longuement mûrie et planifiée par les franges les plus radicales du gouvernement rwandais, alors qu'il était soutenu sans réserve par la France. Tout cela est prouvé par des documents. L'Élysée savait parfaitement ce qui se préparait au Rwanda et les 14 historiens de la Commission désignée par Emmanuel Macron en font un constat unanime.
Des avertissements délibérément ignorés
Ces spécialistes ont en effet eu accès aux comptes rendus les plus confidentiels de l'armée, des Affaires étrangères et même à des renseignements qui décrivaient la mise en place par le pouvoir extrémiste hutu, d'un plan de nettoyage ethnique systématique avec des listes de Tutsis à éliminer, dressées par les bourgmestres dans les plus petits villages et jusque dans les zones les plus reculées du pays. Tous les signaux étaient au rouge, mais François Mitterrand a alors fait le choix politique d'ignorer les avertissements de services.
Dans une longue tribune publiée dans le journal Le Monde mercredi soir, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères sous la cohabitation de 1993 à 1995, fait son mea culpa. Il assume enfin sa responsabilité politique tout en saluant le courage des soldats français sur le terrain qui, pendant l'opération Turquoise, ont tenté de sauver les derniers rescapés de l'extermination. Mais il dresse aussi ce constat terrible sur l'aveuglement des autorités françaises de l'époque : "Nous n'avons pas compris qu'un génocide ne pouvait supporter les demi-mesures. Pendant près de trente ans, j'ai porté cette blessure de n'avoir pas réussi à empêcher cette terreur."