Géorgie : crainte d'enlisement après la désignation attendue d'un nouveau président pro-pouvoir
Alors que le vote est attendu à 15h (11h GMT), les manifestations pro-UE se poursuivent et s'intensifient. Les Géorgiens contestent massivement la présidence de l'ex-footballeur Mikheïl Kavelachvili, proche du pouvoir prorusse et seul candidat à l'élection présidentielle.
La crise en Géorgie pourrait s'accentuer samedi avec l'élection attendue à la présidence de l'ex-footballeur d'extrême droite Mikheïl Kavelachvili, une personnalité loyale au gouvernement contesté par une vague de manifestations pro-UE. Dès 9h du matin (5h GMT), des centaines de protestataires ont bravé le froid et quelques flocons de neige devant le Parlement, où un collège électoral contrôlé par le parti au pouvoir doit désigner Mikheïl Kavelachvili lors d'un vote boycotté par l'opposition.
Certains ont apporté des ballons de football et leur diplôme pour le tourner en dérision. "Notre président ne doit pas être sans diplôme, il est l'image de notre pays", tance Tinatin Matcharachvili, son diplôme de professeur de journalisme à la main. Le vote est attendu autour de 15h (11h GMT). Et une dizaine de manifestations antigouvernementales, organisées par différents groupes, sont encore prévues samedi à Tbilissi, la capitale.
Le milliardaire Bidzina Ivanichvil à la manœuvre
Mikheïl Kavelachvili, connu pour ses diatribes contre les détracteurs du pouvoir, est officiellement le seul candidat car l'opposition a refusé de siéger au Parlement - après les législatives controversées d'octobre - et n'a proposé personne pour ces fonctions. Agé de 53 ans, il est accusé par les protestataires d'être un pantin du milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui a fait fortune en Russie. Fondateur du parti Rêve géorgien, il dirige la Géorgie en coulisses depuis 2012.
L'ex-république soviétique traverse une période de troubles depuis que le parti au pouvoir a revendiqué la victoire aux élections parlementaires du 26 octobre, et que le gouvernement a décidé le mois dernier de laisser en suspens jusqu'en 2028 les négociations d'adhésion à l'UE. À Tbilissi, la principale manifestation antigouvernementale a rassemblé chaque soir devant le Parlement des milliers de personnes au cours des trois dernières semaines, venus dénoncer de présumées fraudes électorales et le détournement du pays de la voie européenne.
Désignation "illégitime"
L'actuelle cheffe de l'État, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, a dit qu'elle refuserait de rendre son mandat tant que de nouvelles législatives n'auraient pas été organisées. Vendredi, elle a estimé que la désignation du président était une "parodie" et serait "anticonstitutionnelle" et "illégitime".
En Géorgie, les pouvoirs du chef de l'État sont limités et essentiellement symboliques. Mais cela n'a pas empêché l'ex-diplomate française de 72 ans de devenir l'une des voix de l'opposition pro-européenne. Vendredi soir, la manifestation devant le Parlement à Tbilissi s'est déroulée sans troubles, loin des affrontements violents qui avaient marqué les dix premiers jours du mouvement, lancé le 28 novembre.
Au cours des deux premières semaines de manifestations, la police a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser les rassemblements quotidiens de milliers de personnes. Des protestataires ont, quant à eux, recouru à des mortiers d'artifice contre les forces de l'ordre. Plus de 400 manifestants ont été interpellés, selon des chiffres officiels. Des descentes de police ont conduit à la saisie de quantités de feux d'artifice et à l'arrestation de plusieurs meneurs de l'opposition.
"Menacés"
Samedi matin, la manifestation devant le Parlement a démarré dans le calme, la police empêchant uniquement l'accès à l'entrée du bâtiment située sur le côté. Mais en bas de l'avenue, place de la Liberté, trois canons à eau et une vingtaine de véhicules se tenaient prêts à intervenir. "La police est partout (...), il neige, il pleut, c'est l'hiver. Mais c'est notre pays, nous nous battrons pour notre pays", dit à l'AFP Natia Aphkhazava, une écharpe léopard autour du visage.
Le visage également protégé par un cache-cou et une capuche, Sofie Kikochvili dit avoir du mal à trouver le sommeil ces dernières semaines. "Nos amis, nos proches, tout le monde est menacé maintenant, on ne peut pas vraiment se concentrer sur le travail", déplore cette avocate de 39 ans, qui a dû laisser son fils de 11 ans seul à la maison. Mais elle prédit une application de la "terreur", de la part des autorités, "qui ira de pire en pire chaque jour si nous ne résistons pas maintenant. (...) C'est notre dernière chance de survie."