L'opposition pro-européenne de ce petit pays du Caucase, composée de quatre principales alliances, affronte samedi prochain le parti conservateur au pouvoir, le Rêve géorgien, accusé par ses détracteurs de dérive autoritaire prorusse et de faire dérailler le projet de longue date d'adhésion à l'Union européenne.
Sur la place de la Liberté à Tbilissi, de nombreux manifestants sont venus avec des drapeaux géorgiens et de l'Union européenne, a constaté un journaliste de l'AFP présent sur place. D'autres ont brandi, dans la nuit, des pancartes sur lesquelles est inscrit: "La Géorgie choisit l'UE".
Le projet européen est au coeur des revendications des manifestants. Ceux-ci ont chanté l'hymne national géorgien, mais aussi celui de l'UE, l'Ode à la joie.
"Le destin de la Géorgie ne tient qu'à un fil", explique Koté Tsintsandzé, un jeune étudiant de 20 ans. "Ces élections décideront si nous pouvons enfin nous libérer de la dictature du Rêve géorgien", enchaîne-t-il, estimant que "les gens sont unis dans leur détermination à être là où nous devons être: en Europe".
Non loin, Lia Nemsadzé, 49 ans, abonde fièrement: "Regardez cet océan de drapeaux de l'Union européenne. Dans quel autre pays d'Europe sont-ils brandis avec autant d'espoir ?".
Espoir européen
La foule réunie dimanche "montre que la Géorgie a déjà gagné et qu'elle va réintégrer l'Europe", affirme de son côté la présidente, Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement mais qui dispose de pouvoirs limités.
A l'intention de Volodymyr Zelensky, son homologue ukrainien, dont le pays lutte contre l'invasion russe à grande échelle depuis février 2022, la dirigeante - qui est une ancienne diplomate française - a lancé: "Vous vous battez également pour la Géorgie. Vous serez victorieux et nous entrerons ensemble dans l'Union européenne".
De récents sondages ces derniers jours semblent indiquer que l'alliance d'opposition pourrait remporter le 26 octobre suffisamment de voix pour vaincre le Rêve géorgien, le parti du milliardaire Bidzina Ivanichvili. A 68 ans, celui-ci tient en sous-main les rênes du pouvoir depuis une dizaine d'années, sans occuper de fonction gouvernementale.
Les résultats seront scrutés de près à Bruxelles, au moment où les dirigeants européens craignent que la Géorgie ne s'éloigne de son ambition d'adhérer à l'UE.
L'objectif d'une adhésion européenne est pourtant inscrit dans la Constitution de cette ancienne république soviétique.
Face au camp pro-européen, l'oligarque et ancien Premier ministre Bidzina Ivanichvili critique régulièrement l'Occident et a appelé ses partisans à voter pour son parti du Rêve géorgien, pour "choisir entre l'esclavage et la liberté, la soumission aux puissances étrangères et la souveraineté, entre la guerre et la paix".
Le gouvernement a indiqué qu'il interdirait les partis d'opposition pro-Occidentaux si le Rêve géorgien obtenaient une majorité suffisante pour faire voter cette mesure.
"Test crucial"
Le scrutin du 26 octobre, considéré comme l'un des plus importants dans le pays depuis la chute de l'URSS, intervient après plusieurs vagues de contestation antigouvernementale, à l'initiative notamment de la jeunesse.
En mai, des manifestants sont massivement descendus dans la rue contre une loi sur "l'influence étrangère", critiquée en Occident car inspirée d'une législation russe sur les "agents de l'étranger" utilisée pour réprimer les voix dissidentes.
Bruxelles a gelé dans la foulée le processus d'adhésion de la Géorgie à l'UE et les Etats-Unis ont imposé des sanctions à des responsables géorgiens accusés d'avoir autorisé une "répression brutale" des manifestants.
Tbilissi a réagi en menaçant de "revoir" ses relations diplomatiques avec Washington. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s'est récemment inquiété du "glissement" de la Géorgie "vers l'autoritarisme", qualifiant le scrutin de "test crucial".
La Russie, acteur historique dans le Caucase, partage près de 1.000 kilomètres de frontière avec la Géorgie. Bidzina Ivanichvili y a fait fortune après la chute de l'URSS avant de revenir en Géorgie au début des années 2000. Le Kremlin a de son côté accusé mardi dernier les Occidentaux d'ingérence dans les prochaines élections.