La Pologne a placé mardi son armée en état d'alerte renforcée après avoir été atteinte par ce qu'elle a décrit comme un missile "très probablement de fabrication russe" mais d'origine incertaine, ce qui pousse ses alliés de l'Otan à la prudence. Les Occidentaux ont apporté leur soutien à la Pologne dans la foulée de la confirmation polonaise de ce missile tombé dans le sud-est du pays, près de la frontière avec l'Ukraine, et sur lequel pèsent de sérieuses interrogations.
Les informations à retenir :
- La Pologne a placé son armée en état d'alerte renforcée après avoir été atteinte par un missile "très probablement de fabrication russe".
- La Russie affirme que ses frappes n'avaient touché que le territoire ukrainien.
- Pas d'indication d'une "attaque délibérée" contre la Pologne, selon le chef de l'Otan
- La Russie responsable "au bout du compte", estime la Maison Blanche
- "Je vais m'assurer que nous puissions déterminer ce qu'il s'est passé exactement" avant de décider d'une réaction, a déclaré Joe Biden.
- La France appelle à "la plus grande prudence" sur l'origine du missile tombé en Pologne.
Zelensky réclame l'accès à "toutes les données" de partenaires
Le président Volodymyr Zelensky a réclamé mercredi l'accès pour les experts ukrainiens à "tous les données" des Occidentaux et au site de l'explosion du missile tombé en Pologne, près de la frontière ukrainienne. "Nous voulons établir tous les détails, chaque fait. Voilà pourquoi il nous faut (...) obtenir l'accès à toutes les données dont disposent nos partenaires et au site de l'explosion", a-t-il déclaré dans son adresse traditionnelle du soir.
Zelensky appelle la Chine à "ne pas choisir le côté de la Russie"
Volodymyr Zelensky a appelé mercredi la Chine à "ne pas choisir le côté de la Russie" dans la guerre que mène Moscou contre l'Ukraine. "Il est important pour nous que la Chine ne choisisse pas le camp de la Russie", a déclaré Volodymyr Zelensky à la télévision ukrainienne, alors que Pékin a refusé de condamner l'invasion russe de l'Ukraine et rejette les sanctions occidentales contre Moscou.
Frappes russes en Ukraine: le Pentagone dénonce un "crime de guerre" et "une campagne de terreur"
Le chef d'état-major américain, le général Mark Milley, a jugé ce mercredi que les frappes de missiles russes ayant visé la veille les infrastructures d'énergie civile en Ukraine constituaient un "crime de guerre". S'exprimant lors d'une conférence de presse, le plus haut gradé des Etats-Unis a estimé que la Russie avait échoué sur tous les fronts dans sa guerre contre l'Ukraine, et y menait par conséquent une "campagne de terreur".
Washington accrédite la thèse d'un missile de défense ukrainien tombé en Pologne
La Maison Blanche n'a "rien vu qui contredise" l'hypothèse, avancée par Varsovie, selon laquelle le missile tombé en Pologne provenait "selon toute probabilité" de la défense antiaérienne ukrainienne, a estimé mercredi une porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Adrienne Watson.
"Cela étant dit, quelles que soient les conclusions définitives, il est clair que la Russie est, au bout du compte, responsable de cet incident tragique" à cause de ses frappes contre les infrastructures civiles ukrainiennes, a-t-elle estimé dans un communiqué, en ajoutant: "l'Ukraine avait, et a, le droit de se défendre."
Le missile tombé en Pologne était "russe", insiste Zelensky
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réaffirmé mercredi que le missile ayant tué deux personnes dans un village polonais près de la frontière avec l'Ukraine était russe. "Je n'ai aucun doute que ce missile n'était pas à nous", a déclaré Volodymyr Zelensky à la télévision. "Je crois que c'était un missile russe", a-t-il ajouté alors que les responsables de l'Otan ont estimé qu'il s'agissait probablement d'un missile de système ukrainien de défense anti-aérienne.
La Hongrie critique les propos de Zelensky
Le gouvernement hongrois a estimé mercredi que le président ukrainien Volodymyr Zelensky donnait "un mauvais exemple" en affirmant que le missile ayant tué deux personnes dans un village polonais près de la frontière avec l'Ukraine était russe. "Dans une telle situation, les dirigeants mondiaux s'expriment de manière responsable", a déclaré à la presse Gergely Gulyas, chef de cabinet du Premier ministre Viktor Orban. Or "le président ukrainien, en accusant immédiatement les Russes, a eu tort, c'est un mauvais exemple", a-t-il ajouté, saluant au contraire l'attitude prudente de la Pologne et des Etats-Unis.
Missile tombé en Pologne : l'Ukraine demande "un accès immédiat" au site
L'Ukraine a demandé mercredi "un accès immédiat" au site en Pologne où est tombé la veille un missile, dont Varsovie a jugé "hautement probable" qu'il s'agisse d'un projectile antiaérien ukrainien. "L'Ukraine demande un accès immédiat au site de la frappe pour les représentants de la Défense et des garde-frontières", a réclamé sur Twitter le secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense ukrainien, Oleksiï Danilov, qui a dit souhaiter "un examen conjoint de l'incident".
Pas d'indication d'une "attaque délibérée" contre la Pologne, selon le chef de l'Otan
L'Otan ne dispose "d'aucune indication" permettant d'attribuer l'explosion mortelle en Pologne à "une attaque délibérée" contre ce pays, a estimé mercredi le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg. "Notre analyse préliminaire suggère que l'incident a été probablement causé par un missile de système ukrainien de défense anti-aérienne tiré pour défendre le territoire ukrainien contre les missiles de croisière russes", a déclaré M. Stoltenberg lors d'une conférence de presse à Bruxelles.
Il n'y a pas à ce stade de "preuve équivoque" sur l'origine du tir du missile
"A 15h40 (14h40 GMT), dans le village de Przewodow (...), un projectile de fabrication russe est tombé, tuant deux citoyens de la République de Pologne", selon un communiqué de Lukasz Jasina, porte-parole du ministère polonais des Affaires étrangères, signalant que l'ambassadeur russe avait été convoqué pour "des explications détaillées".
Un peu plus tard, le président polonais Andrzej Duda a semblé temporiser, relevant qu'il n'y avait à ce stade pas de "preuve équivoque" sur l'origine du tir du missile meurtrier, "très probablement de fabrication russe" selon lui. "Une enquête est en cours", a-t-il relevé, affirmant qu'il s'agissait d'un incident "isolé". "Il vient d'être décidé de relever le niveau d'alerte de certaines unités de combat... et d'autres personnels en uniforme", avait annoncé plus tôt le porte-parole du gouvernement polonais Piotr Müller.
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La frappe russe la plus proche de la Pologne était à 35 km de la frontière, affirme Moscou
La Russie a affirmé mercredi que ses frappes n'avaient touché la veille que le territoire ukrainien, ajoutant avoir identifié le missile tombé en Pologne comme un projectile tiré par un système de défense des forces de Kiev. "Nous voulons souligner que les frappes de haute précision n'ont été menées que sur le territoire de l'Ukraine à une distance supérieure à 35 kilomètres de la frontière ukraino-polonaise", a déclaré le ministère russe de la Défense dans un communiqué. Les débris retrouvés en Pologne "ont été identifiés de manière catégorique par des spécialistes russes (...) comme un élément d'un missile guidé antiaérien des systèmes de défense antiaérienne S-300 des forces armées ukrainiennes", a-t-il ajouté.
La frappe en Pologne est un "message" de la Russie au G20, lance Zelensky
La frappe d'un missile en Pologne "n'est rien d'autre qu'un message de la Russie adressé au sommet du G20", a déclaré mercredi le président ukrainien Volodymyr Zelensky par visioconférence devant les dirigeants du groupe réunis à Bali. Il y a "un Etat terroriste parmi vous, contre lequel il faut se défendre", a-t-il averti, désignant la Russie, selon le texte du discours vu par l'AFP.
Des sirènes d'alerte ont retenti mercredi matin dans toutes les régions d'Ukraine, selon une application officielle de défense antiaérienne, au lendemain de multiples frappes russes principalement sur des infrastructures énergétiques qui ont fait au moins un mort à Kiev. Sur une carte du pays mise à jour en temps réel, la vingtaine de régions ukrainiennes étaient en état d'alerte à 10h03 (8H03 GMT), selon cette application.
Le ministère russe de la Défense a affirmé mercredi n'avoir mené aucune frappe sur Kiev la veille, et que les destructions constatées dans la capitale ukrainiennes étaient causées par la défense anti-aérienne ukrainienne. "Toutes les destructions dans les quartiers d'habitation de la capitale ukrainienne (...) sont le résultat direct de la chute et de l'autodestruction des missiles antiaériens lancées par les forces ukrainiennes", a affirmé le ministère russe dans un communiqué
Les membres de l'Otan se réunissent en urgence
Le chef de l'Otan Jens Stoltenberg doit tenir mercredi une "réunion d'urgence" avec les ambassadeurs de l'Alliance, selon une porte-parole. La Pologne, qui partage une frontière avec l'Ukraine, envahie le 24 février par la Russie, est membre de l'Otan et quelque 10.000 militaires américains se trouvent dans le pays. Il est "absolument essentiel d'éviter l'escalade de la guerre en Ukraine", a exhorté le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres dans un communiqué, se disant "très préoccupé". Il a réclamé une "enquête approfondie" sur le tir.
La Maison Blanche a fait savoir que Joe Biden avait discuté avec son homologue polonais et avec M. Stoltenberg. Et son secrétaire d'Etat Antony Blinken a parlé avec ses homologues polonais Zbigniew Rau et ukrainien Dmytro Kouleba. "Nous nous sommes engagés à rester étroitement coordonnés dans les jours à venir alors que l'enquête avance et que nous déterminons les prochaines étapes opportunes", a tweeté M. Blinken depuis Bali.
"Il est improbable (...) qu'il ait été tiré depuis la Russie", a déclaré le président américain Joe Biden à l'issue d'une réunion d'urgence mercredi des dirigeants des grandes puissances du G7 (Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, Japon), en Indonésie, en marge du sommet du G20. "Je vais m'assurer que nous puissions déterminer ce qu'il s'est passé exactement" avant de décider d'une réaction, a-t-il ajouté, après cette rencontre d'une heure environ à laquelle ont également participé des dirigeants de l'Espagne, des Pays-Bas et de l'Union européenne.
Paris, Londres et Berlin entre autres ont assuré Varsovie de leur soutien, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exprimé ses "condoléances pour la mort de citoyens polonais victimes de la terreur des missiles russes". "L'Ukraine, la Pologne, toute l'Europe et le monde doivent être entièrement protégés de la Russie terroriste", a poursuivi Volodymyr Zelensky, affirmant avoir "échangé les informations disponibles et (nous) sommes en train de clarifier tous les faits".
La Chine appelle toutes les parties à "rester calmes"
La Chine a appelé l'ensemble des acteurs au "calme" après par les informations faisant état de la chute meurtrière en Pologne d'un missile de fabrication russe et le placement en état d'alerte de l'armée polonaise. "Dans la situation actuelle, toutes les parties concernées doivent rester calmes et faire preuve de retenue afin d'éviter une escalade", a déclaré lors d'un point presse régulier Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
L'article 4 de l'Alliance atlantique sera probablement déclenché
Dans les prochaines heures, les regards se tourneront vers Bruxelles où les pays membres de l'Otan se réuniront. Il est très probable que la Pologne déclenche l'article 4 de l'Alliance atlantique, ce processus de consultation et d'échange d'informations entre les Alliés en cas de menace sur la sécurité de l'un des membres. L'enjeu est de comprendre ce qu'il s'est passé dans cette zone frontalière avec l'Ukraine.
L'Agence américaine API vient, elle, de citer plusieurs officiels américains sous couvert d'anonymat. Selon eux, les premières informations suggèrent que le missile en question a été tiré par les forces ukrainiennes contre un projectile russe qui entrait dans l'espace aérien ukrainien.
L'article 5 du traité de l'Alliance atlantique affirme que si un Etat membre est victime d'une attaque armée, les autres considèreront cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l'ensemble des membres et prendront les mesures jugées nécessaires pour venir en aide au pays attaqué. Si une attaque d'origine russe était confirmée cela constituerait une aggravation sérieuse du conflit en Ukraine.
Moscou nie toute implication
Des médias polonais locaux, se basant sur des sources non officielles, avaient fait état plus tôt d'une explosion ayant fait deux morts dans un dépôt de céréales à Przewodow. De son côté, Moscou a qualifié les accusations de tirs russes sur le sol polonais de "provocations".
"Les déclarations de médias polonais et de responsables officiels sur une prétendue chute de missiles russes près de la localité de Przewodow relèvent de la provocation intentionnelle dans le but de créer une escalade de la situation", avait alors réagi le ministère russe de la Défense sur Telegram. "Aucune frappe n'a été menée sur des objectifs proches de la frontière ukraino-polonaise" par l'armée russe, affirmait le ministère. Les images de "débris publiés par les médias polonais depuis les lieux des faits dans la localité de Przewodow n'ont aucun rapport" avec des projectiles russes.
Le Premier ministre polonais appelle tous ses citoyens à "garder" leur "calme"
Dans la nuit de mardi à mercredi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a appelé "tous les Polonais à garder le calme face à cette tragédie", à l'issue d'une réunion d'urgence de son cabinet.
A Kiev, le président ukrainien a directement accusé la Russie d'avoir tiré des missiles sur la Pologne, qualifiant cette frappe présumée "d'escalade très importante". Son ministre des Affaires étrangères avait demandé une réunion "immédiate" de l'Otan et qualifié de "théories du complot" les allégations, publiées sur internet, selon lesquelles il pourrait s'agir d'un missile ukrainien tombé en territoire polonais.
En Hongrie, le porte-parole du Premier ministre Viktor Orban a indiqué qu'un Conseil de défense avait été convoqué dans la soirée "en réponse au missile qui a frappé le territoire de la Pologne".
La "plus grande prudence" s'impose sur l'origine du tir
La France appelle à "la plus grande prudence" sur l'origine du missile tombé en Pologne, a déclaré mercredi l'Elysée, sans exclure qu'il ait pu être ukrainien. "Compte-tenu des enjeux, il est logique qu'on aborde la question avec la plus grande prudence", a souligné la présidence française en marge du sommet du G20 à Bali en Indonésie, en rappelant que "les risques d'escalade sont importants".
"Il y a dans la région beaucoup de matériels, beaucoup de concentration d'armements. Beaucoup de pays disposent du même type d'armements et donc identifier le type de missile ce n'est pas forcément identifier l'acteur qui l'a mis en oeuvre", a relevé un conseiller du président Emmanuel Macron.
"Il faut regarder les faits de manière très précise, regarder les informations, les cartes du ciel, voir les relevés satellites. C'est une affaire sur laquelle on ne peut pas se tromper", a poursuivi un autre conseiller présidentiel. "S'il s'agissait d'un missile ukrainien (..) ce ne serait par nature pas la même chose politiquement (qu'un tir russe, ndlr) parce qu'on n'imagine pas que l'Ukraine tirerait intentionnellement vers la Pologne", a-t-il ajouté. La Pologne, membre de l'Otan, a évoqué de son côté un missile "de fabrication russe" et Kiev a mis en cause Moscou.