La France a accusé mercredi la Russie de faire "délibérément" courir un risque à la sécurité alimentaire mondiale "en détruisant des infrastructures essentielles" aux exportations de céréales. "Elle ne fait que rechercher son propre intérêt aux dépens des populations les plus vulnérables en faisant monter les prix des produits agricoles et en essayant d'empêcher un de ses principaux concurrents d'exporter ses productions", à savoir l'Ukraine, a réagi Anne-Claire Legendre, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, dans un communiqué.
Les frappes russes, qui ont visé mercredi matin des infrastructures portuaires ukrainiennes sur le Danube, ont "endommagé" près de 40.000 tonnes de céréales destinées à l'exportation, a annoncé le ministre ukrainien des Infrastructures, Oleksandre Koubrakov. "Les Russes ont frappé des entrepôts et des silos à grains, endommageant près de 40.000 tonnes de céréales attendues par les pays africains, la Chine et Israël", a affirmé sur Telegram M. Koubrakov.
Les principales informations à retenir :
- Au lendemain d'une attaque de drones à Moscou, Kiev est visée par les drones russes
- Des infrastructures portuaires de la région d'Odessa, en Ukraine, ont elles aussi été visées
- Les attaques ont provoqué des dégâts matériels mais aucune victime, selon les autorités
La France va poursuivre son aide en matière alimentaire aux "pays les plus touchés par l'insécurité alimentaire générée par l'agression russe", a souligné Anne-Claire Legendre. Elle a aussi déploré des bombardements qui prennent de nouveau pour cible des infrastructures civiles, "en violation du droit international humanitaire". "Ces actes inacceptables sont constitutifs de crimes de guerre et ne peuvent rester impunis", a-t-elle ajouté, reprenant des propos de la cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna.
Les infrastructures portuaires ukrainiennes visées
Des attaques de drones russes ont provoqué mercredi à l'aube d'importants dégâts sur les sites portuaires ukrainiens du Danube, des infrastructures devenues cruciales pour les exportations de céréales. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé plus tard une mise en garde à son homologue russe Vladimir Poutine par téléphone, en lui demandant "de ne prendre aucune mesure risquant de provoquer une escalade des tensions" en mer Noire. Il a aussi souligné "l'importance" de l'accord céréalier duquel Moscou s'est retiré en juillet, qu'il considère comme un "pont pour la paix", selon la présidence turque.
Selon le Kremlin, Vladimir Poutine a de son côté demandé le soutien de Recepp Tayyip Erdogan pour exporter les céréales russes, tout en réitérant son refus de relancer l'accord avec l'Ukraine. Deux ports fluviaux ukrainiens frontaliers de la Roumanie, Reni et Izmaïl, dans la région d'Odessa, sont devenus la principale voie de sortie des produits agricoles ukrainiens depuis que Moscou a mis fin à cet accord qui permettait à Kiev d'exporter ses céréales en dépit de la guerre.
Ceux-ci sont donc devenus une cible pour Moscou et dans la nuit de mardi à mercredi, c'est Izmaïl qui a été frappé selon l'armée, qui a diffusé des images d'installations encore fumantes au petit matin. Le 24 juillet, Reni avait déjà subi les bombardements russes. Le procureur général d'Ukraine a indiqué dans un communiqué que "les installations portuaires et l'infrastructure industrielle sur le Danube" ont été touchées, endommageant notamment un élévateur, des hangars de céréales, des bâtiments administratifs et des entrepôts. Aucune victime n'est cependant à déplorer, selon le gouverneur de la région, Oleg Kiper.
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Les autorités ukrainiennes ne donnent que très peu d'informations et d'accès aux ports du Danube du fait de leur caractère stratégique, si bien qu'il n'était pas possible de dire mercredi à quel point les exportations allaient être affectées. Les "attaques continues de la Russie contre l'infrastructure civile ukrainienne sur le Danube, à proximité de la Roumanie, sont inacceptables", a réagi mercredi le président roumain Klaus Iohannis sur Twitter, récemment rebaptisé "X", dénonçant des "crimes de guerre". "Le monde doit réagir", a lancé son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, dénonçant "les terroristes russes (qui) frappent à nouveau les ports, les céréales et la sécurité alimentaire mondiale".
Avant d'attaquer les ports du Danube, les forces russes avaient frappé ces dernières semaines les ports ukrainiens de la mer Noire, particulièrement Odessa, d'où étaient auparavant exportées les céréales ukrainiennes.
Attaque contre Kiev
Une autre importante attaque de drones explosifs a visé dans la nuit Kiev. Selon le chef de l'administration militaire de la capitale, Serguiï Popko, des drones "Shahed" provenant de plusieurs directions ont pénétré simultanément dans le ciel de la ville mais "toutes les cibles - plus de dix drones - ont été détectées et détruites à temps". Des débris de drones ont cependant chuté sur les quartiers de Solomiansky, Golossiïvsky et Sviatochynsky, sans faire ni morts ni blessés. "Il y a des dégâts dans des locaux non-résidentiels et sur la surface de routes, sans destruction ni incendie sérieux", a ajouté l'administration militaire sur Telegram.
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Un journaliste de l'AFP à Kiev a rapporté avoir entendu au moins trois explosions vers 3 heures locales. Dans le district de Golosiivsky, les débris sont tombés sur une aire de jeu et sur un immeuble non-résidentiel, selon l'administration militaire. Mardi, la Russie avait affirmé avoir déjoué une vague d'attaques de drones aériens et marins contre Moscou, la Crimée et la flotte russe en mer Noire. Un gratte-ciel du quartier financier de la capitale a été touché pour la deuxième fois en quelques jours.
Les attaques contre Moscou et ses environs se sont multipliées depuis le printemps, une incursion de drone ayant même visé le Kremlin en mai. La Russie a annoncé en retour avoir intensifié ses frappes en Ukraine. En outre, Moscou a annoncé mercredi entamer des manœuvres navales impliquant des dizaines de navires de guerre en Baltique, mer essentiellement bordée par les pays de l'Otan, alliance que Moscou considère comme une menace existentielle.