Des milliers de manifestants pro-démocratie ont défilé vendredi à Hong Kong malgré une mise en garde du président chinois Xi Jinping, alors que la crise s'est propagée jusqu'à Londres où une ministre hongkongaise a été prise à partie. Pékin a vivement réagi vendredi à cette agression commise la veille au soir par des manifestants masqués, accusant de nouveau l'ex-puissance coloniale britannique de "jeter de l'huile sur le feu" à Hong Kong. Par ailleurs, la police locale a annoncé que deux étudiants allemands avaient été arrêtés à Hong Kong pour participation à un "rassemblement illégal". Berlin a indiqué apporter son assistance consulaire aux deux étudiants, qui selon le journal Bild se trouvaient à Hong Kong dans le cadre d'un échange universitaire. Plusieurs grandes universités néerlandaises ont conseillé vendredi à leurs étudiants actuellement à Hong Kong de "rapidement" rentrer aux Pays-Bas.
A Hong Kong, des protestataires en noir occupaient toujours vendredi plusieurs campus. Pour le cinquième jour d'affilée, le casse-tête des employés se rendant au travail s'est répété, la circulation étant bloquée et les transports en commun à l'arrêt. La région semi-autonome vit depuis cinq mois sa pire crise politique depuis sa rétrocession en 1997. La mobilisation est montée d'un cran lundi, avec le début d'une opération continue de blocage de très grande ampleur. Les organisateurs de Clockenflap, principal festival de musique local, ont annoncé vendredi l'annulation de l'édition 2019, prévue du 22 au 24 novembre, "en raison de l'escalade de la crise cette semaine et de l'incertitude pour les semaines à venir". Des dizaines de milliers de fans participent chaque année à ce festival, dernier en date des événements annulés ou reportés dans le territoire avec la crise.
"Agression barbare"
Jeudi soir, la contestation s'est déportée à des milliers de kilomètres, lorsque des manifestants ont violemment pris à partie à Londres la ministre hongkongaise de la Justice Teresa Cheng, qui est même tombée à terre. La cheffe de l'exécutif hongkongais, Carrie Lam, a condamné vendredi une "agression barbare". "Nous exigeons du Royaume-Uni qu'il enquête immédiatement sur les faits, fasse le maximum pour en arrêter les auteurs, les défère à la justice et garantisse la sécurité et la dignité de tous les fonctionnaires chinois", a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise Geng Shuang. "Si la Grande-Bretagne ne change pas de comportement, si elle continue à jeter de l'huile sur le feu, à semer la discorde et à inciter (au désordre), elle attirera la foudre sur elle-même", a-t-il ajouté. A Londres, la police britannique a indiqué avoir ouvert une enquête sur l'agression d'"une femme", conduite à l'hôpital "pour une blessure au bras", sans confirmer l'identité de Mme Cheng. Le Chartered Institute of Arbitrators, devant lequel elle devait donner une conférence, a annulé l'événement, déclarant que Mme Cheng avait été "agressée par la foule" alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans l'immeuble.
Pendant des mois, les actions des manifestants à Hong Kong avaient été principalement menées les soirs et week-ends, ce qui permettait au territoire de 7,5 millions d'habitants de fonctionner relativement normalement. En l'absence de concessions de l'exécutif pro-Pékin, les manifestants ont opté pour une nouvelle stratégie, "Eclore partout" ("Blossom Everywhere"), consistant à multiplier les blocages simultanés. L'impact a été immédiat, entravant les déplacements des habitants. La violence est également montée, avec deux morts en une semaine. La mobilisation s'est cristallisée notamment sur des campus universitaires. Mais vendredi, des milliers d'employés ont à nouveau profité de leur pause déjeuner pour défiler dans le quartier de Central en soutien aux manifestants.
"Restaurer l'ordre"
La mobilisation était née du rejet d'un projet de loi visant à autoriser les extraditions vers la Chine. Il a été retiré en septembre mais la contestation avait entretemps considérablement élargi ses revendications. Jeudi, Xi Jinping a prévenu que les "activités illégales violentes (...) remettent gravement en cause le principe "Un pays, deux systèmes"". "Mettre fin aux violences et au chaos et restaurer l'ordre est la tâche la plus urgente à accomplir", a-t-il ajouté au cours d'un sommet à Brasilia, selon le Quotidien du Peuple, l'organe de presse officiel du Parti communiste chinois. L'aggravation de la crise a fait craindre à certains que Pékin perde patience et envoie des troupes à Hong Kong. Le tabloïd anglophone Global Times, proche du pouvoir chinois, a alimenté jeudi ces inquiétudes en annonçant que l'exécutif hongkongais allait "annoncer" un couvre-feu pour le week-end. Mais le journal a supprimé son tweet une demi-heure plus tard. Le gouvernement de Hong Kong a affirmé que cette rumeur était "totalement sans fondement". Mais d'autres médias chinois ont avancé que le couvre-feu restait une possibilité. "La fermeté est indéniablement de mise", pouvait-on lire dans le China Daily, alors que plusieurs médias dénoncent l'aggravation des violences.