Après le Maroc, c'est au tour de la Libye de compter ses morts. Quatre jours après les inondations meurtrières qui ont éventré la ville de Derna, situé à l'est du pays, le bilan humain s'élève à près de 4.000 morts, sans compter les 10.000 disparus et les 30.000 déplacés. Des scènes de chaos et une région exsangue qui éprouve un besoin pressant d'aide internationale. Plus particulièrement dans un pays où les services de secours sont insuffisamment efficaces et où "les autorités régionales et nationales sont défaillantes", selon les mots de Frédéric Encel, docteur en géopolitique, professeur à Sciences-Po Paris, auteur des Voies de la puissance (Odile Jacob).
Car c'est là que réside l'essentiel des difficultés que connaissent, aujourd'hui, les Libyens sinistrés. Contrairement au Maroc, il n'est pas si facile de déployer de l'aide extérieur dans un pays aussi instable que la Libye. "Le pouvoir n'est plus du tout centralisé, puisque non seulement deux gouvernements s'affrontent, mais encore une multitude de clans et de tribus constitue la société libyenne", rappelle Frédéric Encel. Le pays est en effet divisé en deux avec d'un côté le gouvernement de Tripoli, à l'ouest, reconnu par l'ONU et de l'autre celui du maréchal Khalifa Haftar, qui contrôle la partie est du pays, où se trouve Derna.
Des difficultés politiques, mais aussi administratives
D'aucuns craignent que la rivalité qui oppose ces deux entités n'entrave le travail des ONG. "Tout est bon pour décrédibiliser l'adversaire. En ces temps de guerre, avec une telle défiance militaire entre deux parties, les humanitaires peuvent être instrumentalisées et connaître des difficultés, en lien avec les dynamiques de guerre locales", éclaire Jean-François Corty, chercheur associé à l'Iris et vice-président de Médecins du Monde.
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Aux difficultés politiques inhérentes à l'instabilité gouvernementale de la Libye, s'ajoutent des obstacles administratifs. "Ce n'est pas facile d'obtenir des visas", illustre Jean-François Corty. "Assurer des procédures de douane pour faire entrer du matériel en urgence n'est pas facile non plus", ajoute-t-il. Et, en raison de cette fameuse subdivision gouvernementale, "il n'y a pas de standardisation des procédures d'entrée".
Un véritable casse-tête, donc, pour les ONG à moins que celles-ci bénéficient d'un "ancrage sur le terrain" depuis de nombreuses années. "Quelques ONG sont dans cette situation, mais il y en a très peu, en réalité. Je pense à Médecins sans frontières qui a de l'avance dans les connexions politiques qu'ils peuvent avoir. Mais peu d'organisations sont dans ce cas", pointe Jean-François Corty.
Peu de partenaires
Quelques heures après la catastrophe, la France a tout de même marqué sa solidarité vis-à-vis des populations sinistrées, à travers le déploiement d'un hôpital mobile ainsi que l'envoi d'une cinquantaine de sapeurs-pompiers. À l'échelle européenne, plusieurs pays ont annoncé l'envoi de matériel et les États-Unis ont, eux aussi, promis de dépêcher des équipes de secours et de l'aide, notamment de la nourriture, des réservoirs d'eau, des abris d'urgence et des fournitures médicales. Un soutien logistique plutôt maigre devant l'ampleur de la catastrophe, mais qui reste le bienvenu, au regard du peu de partenaires dont dispose Tripoli. "Le Soudan est en pleine guerre civile, les moyens de l'Égypte sont modestes, l'Algérie et la Tunisie sont loin de la zone sinistrée, et Tchad et Niger comptent parmi les États les plus pauvres du monde", énumère Frédéric Encel.
Ce vendredi, l'ONU a lancé un premier appel à des fonds de plus de 71 millions de dollars destiné aux 250.000 personnes touchées de près, ou de loin, par la catastrophe.