Plus de 80 personnes ont péri dimanche, privées d'oxygène, étouffées par les fumées ou carbonisées dans l'incendie d'un hôpital dédié au Covid-19 à Bagdad, une tragédie née de négligences qui ont provoqué la suspension de plusieurs responsables dont le ministre de la Santé. Tout a commencé avant l'aube avec l'explosion de bouteilles d'oxygène "stockées sans respect des conditions de sécurité", selon des médecins de l'hôpital Ibn al-Khatib. Puis, les flammes ont dévoré des heures durant des faux-plafonds non ignifugés sous lesquels des patients sous respirateur ont été brutalement arrachés à leur lit.
Un système de santé délabré depuis des décennies
Selon un dernier bilan du ministère de l'Intérieur, "82 personnes ont été tuées et 110 blessées" dans la capitale d'un pays dont le système de santé est délabré depuis des décennies. Si le nombre de victimes est si élevé, c'est parce que l'hôpital n'était pas équipé et parce que les pompiers ne sont pas immédiatement arrivés dans l'hôpital situé dans la périphérie reculée de Bagdad. Pendant des heures, une cohue de malades et de proches ont tenté de s'échapper du bâtiment, par des escaliers de service étriqués, aidés seulement de nombreux habitants venus prêter main-forte.
Amir, 35 ans, a raconté avoir "sauvé de justesse ses frères qui se trouvaient à l'hôpital. Ce sont les gens qui ont sorti les blessés". "L'hôpital n'a pas de système de protection contre les incendies et les faux-plafonds ont permis la propagation du feu", a expliqué la Défense civile. "La plupart des victimes sont mortes car elles ont été déplacées et privées de ventilateurs. D'autres ont été étouffées par la fumée."
Plusieurs dirigeants suspendus
Après ce drame, le hashtag "Démission du ministre de la Santé", resté aux abonnés absents depuis l'incendie, a été en tête des mots-clés sur Twitter en Irak. Le Premier ministre Moustafa al-Kazimi, qui a proclamé trois jours de deuil national, a répondu à moitié. Il a "suspendu" et "mis à la disposition des enquêteurs" le ministre de la Santé Hassan al-Tamimi, un proche du très turbulent leader chiite Moqtada Sadr. La même sanction a été appliquée au gouverneur de Bagdad, Mohammed Jaber, et au patron de la Santé pour l'est de Bagdad.
"Les résultats de cette enquête seront présentés sous cinq jours au gouvernement", selon un communiqué du bureau de Moustafa al-Kazimi. Le directeur de l'hôpital et les chef de la sécurité et de l'entretien technique d'Ibn al-Khatib, eux, ont été convoqués pour interrogatoire dans la nuit.
Une timide campagne de vaccination a commencé dans le pays
Au-delà du bilan extrêmement lourd, les Irakiens ont exprimé leur colère après l'attribution de l'incendie à la négligence. Un phénomène qui va de pair en Irak avec la corruption endémique. Le président de la République irakien Barham Saleh a été très clair. "La tragédie d'Ibn al-Khatib est le résultat d'années de sape des institutions de l'Etat par la corruption et la mauvaise gestion." La mission de l'ONU en Irak a exprimé "sa douleur" et s’est dite "sous le choc", tandis que le pape François, qui était en Irak début mars, a appelé à "prier" pour les victimes de l'incendie.
Les cas de Covid-19 ont dépassé mercredi le million en Irak (40 millions d'habitants), avec plus de 15.000 morts. Le pays, probablement en raison de sa population jeune, enregistre un nombre de décès dus au Covid-19 relativement bas. Pour éviter les hôpitaux délabrés, les malades préfèrent généralement installer une bouteille d'oxygène chez eux. Une timide campagne de vaccination a été lancée début mars en Irak, où la population, qui boude les masques, reste très sceptique. Sur près de 650.000 doses de différents vaccins - la quasi-totalité reçues sous forme de don ou via le programme international Covax - environ 300.000 ont déjà été administrées.