Deux Français ont à nouveau été condamnés à mort en Irak. Bilel Kabaoui, 32 ans, ainsi que Mourad Delhomme, 41 ans et présenté par le renseignement comme un "vétéran du djihad", ont écopé lundi de la peine capitale pour leur appartenance à l'État islamique. Avec ces derniers verdicts, 11 Français, transférés ensemble fin janvier de Syrie vers l'Irak, ont été condamnés à la mort par pendaison. Voici leurs profils.
Léonard Lopez
Ce Parisien de 32 ans a été condamné à mort le 26 mai. Au début des années 2000, ce converti fait partie des plus actifs sur le site djihadiste francophone de référence d'alors, Ansar Al-Haqq. Il a été condamné en son absence en juillet 2018 à cinq ans de prison dans ce dossier.
En juillet 2015, pourtant sous contrôle judiciaire, il part avec sa femme et leurs deux enfants à Mossoul (nord de l'Irak) puis en Syrie, selon les enquêteurs français. Il est surtout connu des services de renseignement pour avoir cofondé l'association Sanabil, dissoute fin 2016 en France car "tous ceux qui ont été impliqués directement ou indirectement dans les attentats depuis janvier 2015 ont été en lien direct ou indirect avec Sanabil", selon un enquêteur.
Kévin Gonot
Arrêté en Syrie avec son demi-frère Thomas Collange, 31 ans, sa mère et son épouse, ce Français de 32 ans a été condamné à mort le 26 mai. Kévin Gonot est marié à une nièce des frères Fabien et Jean-Michel Clain, qui ont revendiqué les attentats du 13-Novembre, avant d'être tués récemment en Syrie. Il a dit au juge "regretter" d'être parti en Syrie, où son père a été tué et où il a d'abord rejoint le Front al-Nosra (ex-branche d'Al-Qaïda en Syrie) avant de prêter allégeance à l'EI, selon l'instruction.
Il a également affirmé lors de l'instruction avoir combattu en Syrie et en Irak. Lors de son procès toutefois, Kévin Gonot a indiqué avoir été blessé au ventre en 2015 à Kobané, en Syrie, et avoir été transféré ensuite à Mossoul, "capitale" de l'EI en Irak de 2014 à 2017, pour y être hospitalisé et non pour combattre. En France, il a déjà été condamné en son absence à neuf ans de prison, selon le Centre d'analyse du terrorisme (CAT).
Mustapha Merzoughi
Ce Français d'origine tunisienne de 37 ans, qui a servi dans l'armée française de 2000 à 2010, notamment "en Afghanistan en 2009", a été condamné à mort le 27 mai. Originaire de Toulouse, il a vécu à Metz, qu'il a quitté après avoir divorcé et perdu son emploi, a-t-il expliqué. Père d'une famille recomposée de cinq enfants, il a assuré au juge avoir suivi "des formations obligatoires religieuses et militaires à Mossoul" avant de se voir remettre "une Kalachnikov et un salaire mensuel de 200 dollars" en tant que "médecin des armées".
Il a affirmé lors de ses interrogatoires avoir "prêté allégeance devant un chef de l'EI au visage masqué à Mossoul" parce que "les chefs avaient peur d'être reconnus ou identifiés par les combattants étrangers dont ils redoutaient qu'ils soient des espions".
Salim Machou
Condamné à mort le 26 mai, ce Français de 41 ans a appartenu une unité de l'EI menée par un ancien légionnaire français, selon le CAT. Cette "cellule de combattants européens, vivier d'auteurs d'attaques en Irak, en Syrie et à l'étranger", a compté jusqu'à "300 membres", d'après Washington.
Fodil Tahar Aouidate
Ce Français de 32 ans a été condamné à mort le 2 juin, après que le tribunal a rejeté ses allégations de torture lors de ses interrogatoires. Décrit comme autoritaire, violent et prêt à mourir pour l'idéologie radicale de l'EI, il a rejoint la Syrie en 2014, comme 22 membres de sa famille. "Mon beau-frère là-bas me disait, ‘viens, ici tu peux vivre en musulman, alors qu'en France, ils combattent l'islam’", a-t-il dit.
Originaire de Roubaix, il a été enregistré par l'EI comme "combattant", selon un document à en-tête du groupe présenté par le juge. Fodil Tahar Aouidate était connu du renseignement pour ses liens avec Abdelhamid Abaaoud, un des organisateurs présumés du 13-Novembre. Fin 2015, il était apparu dans une vidéo faisant l'apologie de ces attaques. Deux de ses sœurs ont été condamnées en France pour "financement du terrorisme".
Yassine Sakkam
Ce Français de 29 ans a été condamné à mort le 29 mai, cinq ans après avoir quitté la France pour retrouver son frère Karim en Syrie. Ce dernier a mené un attentat suicide à la frontière irakienne en 2015. Yassine Sakkam a indiqué au juge avoir également fait venir une jeune Française de sa famille élargie, Saïda, pour l'épouser. Elle est, selon lui, aux mains des Kurdes en Syrie avec leur fils et une fille qu'elle a eue d'un premier mariage.
Yassine Sakkam s'est porté volontaire pour être combattant en première ligne, selon ses dires. Il a mis en ligne des photos où il pose avec des armes et a dit à la cour avoir "participé à des combats contre l'Armée syrienne libre" (ASL, rebelles). Il a assuré avoir déchanté et tenté de fuir.
Karam El Harchaoui
Ce Français de 33 ans installé à Bruxelles a été condamné à mort le 28 mai. Sans emploi, il est arrivé en Syrie en 2014 au terme d'un long périple. L'homme au physique élancé a épousé successivement deux Belges, rencontrées sur Facebook et qu'il a fait venir en Syrie. Après que son frère, qui avait également rejoint l'EI, a été tué dans un bombardement, Karam El Harchaoui s'est rendu en janvier 2018 aux forces kurdes anti-EI en Syrie.
Brahim Nejara
Ce Français de 33 ans, accusé par le renseignement français d'avoir facilité l'envoi de djihadistes en Syrie, a été condamné à mort le 28 mai. Il était apparu peu après le 13-Novembre dans la vidéo "Paris s'est effondrée". Originaire de Meyzieu, près de Lyon, d'où sont partis plusieurs djihadistes français, il a également incité un de ses frères à commettre un attentat en France, selon le CAT. En Syrie, de même source, il a fréquenté Foued Mohamed-Aggad, l'un des kamikazes du Bataclan.
Vianney Ouraghi
Ce Français de 28 ans, fils d'une Française et d'un Franco-Algérien, a été condamné à mort le 3 juin. Vianney Ouraghi a affirmé au juge être parti en Syrie avec Lyes Darani, condamné à huit ans de prison en France pour avoir voulu préparer un attentat à son retour en 2013. Cet ancien étudiant en psychologie de Lille, qui s'adressait au juge en arabe classique, appris lors de séjours linguistiques au Caire, a rejoint le Front al-Nosra avant l'EI.
Marié à deux Syriennes, Vianney Ouraghi a plaidé n'avoir été qu'un "fonctionnaire administratif de l'EI", en charge "des veuves et des familles" de djihadistes, pour un salaire mensuel de 200 dollars. Le juge a toutefois montré un document administratif de l'EI sur lequel il est enregistré comme "combattant". Blessé à deux reprises, il a assuré avoir reçu une balle dans le ventre "par erreur".
Mourad Delhomme
Ce Français d'origine algérienne de 41 ans a été condamné à mort le 3 juin. Il est présenté comme un "vétéran du djihad" par le renseignement français. Durant une heure lors de son procès, il a fait le récit de son séjour en Syrie -où il avait déjà vécu de 2009 à 2012-, avec rebondissements, mariages, détentions, violences et tentatives de fuites avortées.
Il a rejoint le territoire de l'EI, a-t-il juré, pour sauver la femme d'un ami, prisonnière des rebelles syriens. Il a fini par épouser cette femme et avoir un enfant avec elle, a-t-il dit au juge, en plus de sa première épouse Palestinienne de Syrie rencontrée en 2009 à Damas, et d'une autre, rencontrée en Syrie en 2014.
Bilel Kabaoui
Ce Français de 32 ans a été condamné à mort le 3 juin. De sa voix sourde, Bilel Kabaoui a affirmé au juge avoir convaincu sa femme -aujourd'hui aux mains des Kurdes de Syrie- de rejoindre la Syrie. Il a plaidé avoir été lui-même décidé par un ami, qui lui avait affirmé qu'il pourrait quitter la Syrie à tout moment.
Souffrant d'un fort asthme, il a affirmé avoir obtenu "une dizaine de certificats médicaux de l'EI (le) déclarant inapte" au combat. Il a indiqué au juge avoir été "aide-soignant" à Minbej, dans le nord syrien, puis "geôlier" dans l'un des très redoutés tribunaux de l'EI, qui ordonnaient régulièrement châtiments corporels et exécutions sommaires. Il s'est rendu aux forces kurdes anti-EI en octobre 2017, sur les conseils de la DGSE, a-t-il dit. Il avait chargé sa belle-mère d'appeler l'agence du renseignement français pour connaître la marche à suivre pour rentrer et être jugé en France avec sa famille.