Silvio Berlusconi s'est attiré une volée de bois vert mercredi en Italie après avoir dit "renouer" avec Vladimir Poutine qui lui a envoyé de la vodka pour son anniversaire, et avoir imputé à Kiev la responsabilité de l'invasion de l'Ukraine. "Berlusconi en roue libre", "Berlusconi sans frein", et même, pour la Repubblica, Giorgia "Meloni otage des pro-Russes" : la presse italienne se faisait mercredi un large écho des confidences faites cette semaine par le milliardaire à des députés de son parti, Forza Italia.
Berlusconi perturbe les consultations sur le nouveau gouvernement
Avec ses déclarations pro-Poutine, l'ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi a volé jeudi la vedette au président Sergio Mattarella, qui a entamé ses consultations en vue de la formation du gouvernement qui devrait être dirigé par Giorgia Meloni.
Les discussions que Sergio Mattarella mènent avec les principaux acteurs institutionnels (présidents des chambres, chefs des groupes parlementaires...) ont été éclipsées par la tempête suscitée par les propos de Berlusconi, qui a affirmé avoir "renoué" avec Vladimir Poutine et a imputé à Kiev la responsabilité de l'invasion de l'Ukraine. Son parti Forza Italia fait partie de la coalition dirigée par Mme Meloni, cheffe de Fratelli d'Italia, le parti d'extrême droite vainqueur des élections avec 26% des voix.
Berlusconi assure qu'il est "le premier des cinq vrais amis" de Poutine
Ses propos ont fuité et son entourage a d'abord démenti mais un enregistrement audio a ensuite été diffusé, provoquant la stupéfaction de Giorgia Meloni, la future Première ministre qui s'emploie à former un gouvernement avec ses alliés au sein de la coalition, Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Ligue de Matteo Salvini.
"J'ai un peu renoué le contact avec le président Poutine, un peu beaucoup, dans le sens où pour mon anniversaire, Poutine m'a envoyé 20 bouteilles de vodka et une très gentille lettre. J'ai répondu en lui envoyant des bouteilles de Lambrusco et une très gentille lettre. Il m'a dit que j'étais le premier de ses cinq vrais amis", a poursuivi l'ancien chef du gouvernement qui a fêté ses 86 ans le 29 septembre. En toute hâte, Forza Italia a diffusé un communiqué pour clarifier la position du parti et de Silvio Berlusconi vis-à-vis de la Russie et de l'Ukraine, "en ligne avec celle de l'Europe et des Etats-Unis".
La position d'Antonio Tajani fragilisée
L'opposition de gauche s'est déchaînée. "Ce n'est pas du folklore, ce ne sont pas des blagues. La nouvelle majorité engage un changement de trajectoire de l'Italie vers une position de plus en plus ambiguë envers la Russie", a dénoncé Enrico Letta, le patron du Parti démocrate, sur Twitter. Les déclarations - récurrentes - de Silvio Berlusconi pourraient fragiliser la position d'Antonio Tajani, un proche, pro-européen, pressenti pour les Affaires étrangères.
L'entourage de Giorgia Meloni a tenté de calmer le jeu. "J'éviterais d'impliquer Tajani", a déclaré mercredi Francesco Lollobrigida, un député de Fratelli d'Italia. "Il a été président du Parlement européen (...) et a toujours défendu l'alliance occidentale" après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a-t-il souligné. Mais pour d'autres sources au sein de Fratelli d'Italia, citées par le quotidien La Stampa, "Berlusconi pourrait avoir tué Tajani".
Des propos déjà polémiques pendant la campagne électorale
Pendant la campagne électorale, Berlusconi avait déjà provoqué l'indignation en affirmant que Vladimir Poutine avait voulu renverser le gouvernement de Kiev pour y mettre à la place des "gens biens". Dans la suite de cet enregistrement audio, dont une nouvelle partie a fuité mercredi soir, il semble faire porter la responsabilité de la guerre au président ukrainien Volodymyr Zelensky qui selon lui "a triplé les attaques" contre les républiques séparatistes auto-proclamées du Donbass.
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"En 2014 à Minsk, en Biélorussie, un accord est signé entre l'Ukraine et les deux républiques nouvellement constituées dans le Donbass pour un accord de paix et que personne n'attaque personne. Un an plus tard, l'Ukraine jette aux orties cet accord et commence à attaquer les frontières des deux républiques", raconte Silvio Berlusconi à ses élus. Il évoque "cinq-six-sept mille morts" dans ces combats. Puis "Zelensky arrive (au pouvoir) et triple les attaques contre les deux républiques", ajoute le magnat, reprenant par la suite ses propos de fin septembre selon lesquels Poutine a été "poussé" par sa population et son entourage à envahir l'Ukraine.
Face au tollé soulevé par ces dernières déclarations, Silvio Berlusconi a tenu à préciser dans un communiqué que sa "position personnelle et celle de Forza Italia ne s'écartent pas de celle du gouvernement italien, de l'Union européenne, de l'Alliance atlantique ni sur la crise en Ukraine ni sur les autres grands sujets de politique internationale". Il a également souligné qu'il serait "impossible de parvenir à la paix si les droits de l'Ukraine ne sont pas protégés de manière adéquate".