Virage à l'extrême droite pour le Brésil : Jair Bolsonaro, a été élu dimanche président du Brésil, avec 55,3% des suffrages, devançant largement son adversaire de gauche Fernando Haddad, à 44,7%.
"Nous allons changer le destin du Brésil". Ces résultats ont été communiqués par le Tribunal supérieur électoral (TSE), après dépouillement de plus de 98% des bulletins de ce second tour de la présidentielle dans la première puissance d'Amérique latine. "Ensemble, nous allons changer le destin du Brésil", a affirmé l'ex-capitaine de l'armée de 63 ans dans son premier discours, retransmis en direct sur Facebook. "Nous ne pouvons plus continuer à flirter avec le socialisme, le communisme, le populisme de gauche", a-t-il ajouté, sur un ton martial.
Un mandat de quatre ans. Jair Bolsonaro succédera au président Michel Temer, pour un mandat de quatre ans, au 1er janvier 2019. Une foule de plusieurs milliers de ses sympathisants s'est réunie en début de soirée devant son domicile pour célébrer la victoire du député dans un quartier aisé de Rio de Janeiro.
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Un candidat qui a misé sur l'exaspération des Brésiliens. Après le scrutin du 7 octobre qui a vu Bolsonaro frôler une élection dès le premier tour (46% des suffrages), les Brésiliens ont fait leur choix plus par rejet que par conviction : "contre la corruption" pour le candidat d'extrême droite, "contre la haine" pour celui de gauche. Alvaro Cardoso, 55 ans, n'a pas hésité : "Bolsonaro va balayer les corrompus, il va chasser ces escrocs, ces communistes", veut-il croire après avoir voté à Rio pour le candidat d'extrême droite qui a capitalisé sur l'exaspération des Brésiliens.
Des électeurs venus voter avec un livre sous le bras. De l'autre côté, de nombreux électeurs de gauche se sont rendus aux urnes avec un livre sous le bras, un pied de nez aux électeurs de Jair Bolsonaro, dont certains s'étaient photographiés votant au premier tour avec une arme. 1984 de George Orwell ou encore Comment meurent les démocraties de Daniel Ziblatt et Steven Levitsky faisaient partie des titres sélectionnés par les électeurs qui, sous les mots clé #LivroSim et #Armanao (Livre oui, arme non), postaient des photos sur les réseaux sociaux.
#LivroSim Votei com Rancière. pic.twitter.com/SyDhqCgaA4
— Marcos Dantas (@marcos__dantas) 28 octobre 2018
Autre livre et autre message, Dias Toffoli, le président de la Cour suprême, s'est rendu aux urnes avec la Constitution. "Le futur président devra respecter les institutions, la démocratie et l'État de droit", a-t-il déclaré. Pour Marcio Coimbra, de l'Université presbytérienne Mackenzie, le Brésil a des garde-fous solides avec "un parquet fort, une Cour suprême forte et un Congrès qui fonctionne".
Une transition rapide. Hospitalisé pendant trois semaines, le mois dernier, après avoir frôlé la mort dans un attentat à l'arme blanche, Jair Bolsonaro a voté dans la matinée à Rio, évitant soigneusement la foule. Accompagné de sa troisième épouse Michelle, il n'a fait aucune déclaration, "pour des raisons de sécurité". Après une dure campagne de l'entre-deux tours, alimentée par des discours de haine et émaillée de violences, le vote s'est toutefois déroulé dans le calme, a confirmé le ministre de la Sécurité publique, Raul Jungmann. Le président sortant Michel Temer a indiqué de son côté que la transition débuterait "dès demain", lundi.
Crise économique, corruption et défiance. Dans un pays miné par une violence record, le marasme économique, une corruption endémique et une crise de confiance aiguë dans la classe politique, Jair Bolsonaro a réussi à s'imposer comme l'homme à poigne dont le Brésil aurait besoin. Catholique défenseur de la famille traditionnelle, il a reçu le soutien crucial des puissantes églises évangéliques et a indigné, par ses déclarations outrancières, une bonne partie des Noirs, des femmes et des membres de la communauté LGBT.
Fernando Haddad, 55 ans, avait pour sa part promis de "rendre le Brésil heureux de nouveau" comme sous les mandats de Lula dans les années de croissance (2003-2010). Mais il n'a pas fait l'autocritique du PT, jugé responsable par beaucoup des plaies actuelles du pays, notamment la corruption.