"Ça ne fait strictement aucun doute. L'homme qui est jugé aujourd'hui à Bruxelles pour un meurtre antisémite, puisqu'il a assassiné brutalement dans le Musée juif de la capitale belge, était bien Mehdi Nemmouche, l'un de mes geôliers.
Il faisait partie des gardes francophones de la police islamique de Daech, au début du califat, dans leurs prisons secrètes. On a très longtemps été retenus dans les sous-sols d'un hôpital pédiatrique.
Il torturait les Syriens, les Irakiens, les prisonniers. Quand il les emmenait aux toilettes, il les battait sur le chemin, aller et retour. On l'a entendu des nuits entières crier en français sur des Irakiens ou des Syriens qui ne parlaient que l'arabe et ne comprenaient pas ce qui leur arrivait. Il y avait un déchaînement de violence absolument incroyable.
Quand j'entends ses avocats dire que c'est quelqu'un qui peut être très poli, très urbain… Certainement. C'est quelqu'un de malin. Mais moi, je n'oublierai jamais sa capacité de violence et sa capacité de danger.
Honnêtement, on n'était pas très bien traités, c'est le moins que l'on puisse dire. Mehdi Nemmouche avait un petit jeu qu'il aimait beaucoup, c'était de nous écraser les ongles avec une pince en acier. Pendant les déplacements aux toilettes, il nous électrocutait avec des matraques électriques. Moi, il m'avait frappé quarante fois sur le haut du crâne avec une matraque plombée. Mais ce n'était rien à côté de ce qui se passait pour les prisonniers syriens qui, eux, étaient vraiment torturés, enchaînés, mis à l'intérieur d'un pneu, menottés autour de barres de fer, puis frappés sur la plante des pieds avec du fil électrique gainé.
Un grand jeu qu'ils avaient, c'était de torturer les gens devant la porte de notre cellule. Le matin, il nous arrivait d'avoir des cadavres égorgés devant la porte, de marcher dans leur sang avant d'aller jusqu'aux toilettes. C'est ça aussi, Medhi Nemmouche.
Dans un premier temps, de juin à octobre, on a eu une phase assez dure où il était uniquement dans la violence. Puis au mois d'octobre, il y a eu une bascule. Il a eu des ordres de ses chefs, puisqu'on avait visiblement une valeur que n'avaient pas les détenus syriens ou irakiens. Lui-même nous disait : 'T'es une grosse merde, j'aimerais te buter, mais mes chefs ne veulent pas que je le fasse.' Il était donc obligé de se contrôler, ce qu'il faisait. Ce qui prouve qu'il peut quand même être assez discipliné quand il veut.
À l'origine, c'est un délinquant qui s'est radicalisé. Lui-même se définit comme un petit délinquant passé dans le nettoyage ethnique religieux. Il passait ses journées à se vanter de rentrer dans les villages chiites, de violer les femmes devant leurs maris, d'assassiner leurs enfants et ensuite, de vider leurs frigidaires avant de déménager les meubles dans un camion. Puis il repartait en chantonnant ou en sifflotant du Aznavour. C'est une personnalité un peu particulière.
J'attends de ce procès que les gens réalisent à quel point ces personnes sont dangereuses. Il reste encore des gens comme lui, certains de ses anciens camarades en Syrie. Rappelons qu'il y a encore dans le nord de ce pays les frères Clain, ceux qui ont revendiqué le Bataclan, qui se trouvent dans ces dernières poches tenues par l'Etat islamique. Il y a aussi des gens comme Thomas Barnouin, aujourd'hui prisonnier des Kurdes, qui ont revendiqué l'assassinat des policiers de Magnanville. Que va-t-il se passer pour eux ? On va les relâcher dans la pampa et ils vont revenir faire des attentats ici ? Il y a quand même une certaine responsabilité à avoir, et bien se souvenir que l'on a des ennemis déclarés, et il ne faut pas toujours être des Bisounours."