Son patronyme rythme la vie politique américaine depuis des décennies. Jeb Bush, le frère cadet de l’ancien président George W. (2001-2009), ambitionne de perpétuer la tradition familiale. Le fils de George H.W, lui aussi à la tête des États-Unis au début des années 1990 (1989-1993), a annoncé lundi soir sa candidature à la primaire républicaine pour la Maison-Blanche en 2016. Souvent décrit comme plus intellectuel et plus modéré que son frère, Jeb Bush devra sortir de l’encombrante ombre familiale. Mais est-il vraiment différent de George W. ?
Plus modéré, vraiment ? Jeb Bush, âgé de 61 ans, a tenté de séduire les électeurs républicains en adoptant une ligne modérée et pragmatique. Il a notamment mis l’accent sur l’éducation, un de ses sujets de prédilection. "Il est davantage centriste que ses concurrents Ted Cruz et Marco Rubio, qui sont plus à droite", confirme François Durpaire, historien et spécialiste des États-Unis interrogé par Europe 1. Un positionnement qui contraste pourtant avec son bilan à la tête de l’Etat de Floride, où il a été gouverneur entre 1999 et 2007. En effet, Jeb Bush y avait mené une politique conservatrice, taillant dans la fiscalité et la fonction publique.
"Mais il n’est pas très différent politiquement de son frère George W .", ajoute l’expert. "Ils sont même assez proches. George W. était lui aussi de l’aile modéré du parti républicain". Les deux frères se rejoignent par exemple sur les questions d’immigration, sur lesquelles ils ont chacun opté pour une ligne progressiste. Jeb Bush, lui, a ainsi appelé à une réforme du système d’immigration, ouvrant la voie à des régularisations massives. Une opinion partagée par George W. Bush, rappelle François Durpaire. "Lui aussi était sur une ligne libérale au sujet de l’immigration. Mais il n’a pas réussi à faire passer sa vision, se heurtant à l’opposition de son parti".
L’intellectuel contre "l’everyday american". Si, politiquement, les deux frères sont plus proches qu’il n’y paraît, leurs personnalités respectives les éloignent singulièrement. Jeb, diplôme de la prestigieuse Phillips Academy, a toujours été perçu comme le cérébral de la famille, au contraire de son frère, de 7 ans son aîné, souvent moqué pour ses approximations. "C’est l’intellectuel des Bush, alors que George W est plus ‘everyday american’, un Américain moyen", décrit François Durpaire. Un atout pour Jeb ? Pas vraiment, soutient le spécialiste des États-Unis.
"Du point de vue français, c’est un avantage. Mais aux États-Unis, son côté introverti est un handicap. Il n’attire pas les Américains comme son frère le faisait. On dit que pour gagner les élections, il faut que le candidat donne envie de boire une bière avec lui. Or, on voit que Jeb n’a pas envie de boire une bière avec l’Américain moyen", soutient l’universitaire.
Sa femme, un atout potentiellement décisif. L’image austère de Jeb pourrait malgré tout être contrebalancée par son histoire personnelle. Père de trois enfants, l’ancien gouverneur de Floride est marié à Columba Garnica Gallo, une Mexicaine rencontrée à 17 ans. Il parle couramment l’espagnol, ce qui pourrait se révéler indispensable dans un pays qui compte 25 millions d’électeurs hispanophones. Un atout dont ne bénéficiait pas son frère, avant d’être élu au poste suprême en 1999.
"Jeb Bush est Mexicain par alliance. Dans une Amérique qui n’est plus ‘black and white’, mais ‘brown’, où les Latinos deviennent de plus en plus importants politiquement, c’est un vrai avantage", confirme François Durpaire. Attention toutefois : l’électorat latino est aussi ardemment courtisé par deux de ses concurrents aux primaires républicains, Ted Cruz et Marco Rubio, originaires de Cuba.
Un nom lourd à porter. Mais comme son frère, Jeb aura la lourde tâche de sortir de l’héritage familial. "Les Américains vont ramener Jeb à Georges W. Le mandat de son frère s’est terminé tellement mal que ça a été une enclume pour tous les autres candidats républicains. Se présenter aux primaires en portant ce nom peut lui être fatal", met en garde l'historien. Le futur candidat aux primaires républicaines l’a bien compris en axant sa campagne autour de son prénom, et non pas de son nom. Dimanche, il a ainsi tweeté une photo "Jeb ! 2016", en prenant bien soin de ne pas faire figurer son patronyme sur l’image.
Malgré ses efforts, l’ancien gouverneur de Floride a perdu du terrain dans les sondages, au point d’être désormais talonné par ses concurrents Marco Rubio et Scott Walker selon la chaîne de télévision Fox News. S’il reste le favori chez les Républicains, Jeb Bush est encore loin d’avoir convaincu la majorité des Américains. En cas de duel face à Hillary Clinton à la prochaine élection présidentielle, l’ancien gouverneur de Floride n’obtiendrait que 43% des voix, contre 51% pour la favorite à la primaire démocrate selon un sondage réalisé par CNN et Opinion research. Mais avant de penser à la Maison-Blanche, Jeb Bush devra déjà réussir à convaincre dans son propre camp.