Il s'y était engagé lors de sa campagne victorieuse des élections générales. David Cameron, qui prolonge son séjour au 10, Downing Street, organisera bien un référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne. Une promesse électorale doublement utile pour le Premier ministre conservateur. En terme de politique intérieure d'abord, puisque cette menace du "Brexit" (la contraction de Britain et exit) lui a permis de s'attirer la sympathie de l'électorat europhobe lors du scrutin, mais aussi sur la scène européenne, puisqu'elle lui donne aujourd'hui un moyen de pression sur Jean-Claude Juncker, l'actuel président de la Commission.
Pourquoi David Cameron, pourtant europhile, organise-t-il un référendum sur le maintien dans l'UE ?
• Pour obtenir des réformes de l'UE
David Cameron est passé à l'offensive lundi soir, alors qu'il recevait le président de la Commission européenne dans sa résidence de campagne de Chequers, comme l'explique le correspondant du Monde à Londres, Philippe Bernard. Si en tant que conservateur pro-business, David Cameron n'est pas partisan d'un retrait de son pays de l'UE, il a multiplié les déclarations menaçantes à ce sujet, n'excluant pas de "prôner le 'non' (au maintien dans l'UE)" s'il n'obtenait pas de l'Europe les réformes qu'il appelle de ses vœux (retour de certaines compétences communautaires dans le giron des Etats-membres, fin de la PAC).
Autant dire que malgré le cadre plus "relax" de leur rencontre, les relations entre les deux hommes ne sont pas au beau fixe, d'autant que David Cameron avait mené une violente campagne contre Jean-Claude Juncker lors de l'élection du président de la Commission, il y a un an.
• Pour mettre la pression sur ses partenaires européens
Cette rencontre avec Jean-Claude Juncker n'est que la première étape d'un long marathon européen pour le Premier ministre britannique, puisqu'il projette de rencontrer chacun des 27 chefs d'Etat de l'Union européenne avant le Conseil européen qui se tiendra les 25 et 26 juin. L'objectif de cette tournée ? Convaincre les dirigeants des Etats-membres du bien-fondé des réformes demandées par la Grande-Bretagne, et s'accorder sur la forme à leur donner (constitutionnelles ou non, compensations pour les autres membres…).
Ultime signe de défiance vis-à-vis de l'UE, le projet de loi organisant le référendum qui devrait être déposé jeudi au Parlement exclut les ressortissants de l'UE vivant sur le sol britannique du scrutin. Soit 1,5 millions de votants tout de même.
David Cameron navigue donc à vue, utilisant cette menace du "Brexit" pour faire pression sur ses partenaires européens tout en espérant ne pas devoir la mettre à exécution. Il entretient d'ailleurs encore le mystère sur la date à laquelle se tiendra le référendum pour ménager les milieux d'affaires de la City.
Comment s'organisent les partisans du maintien et de la sortie de l'UE ?
• Pour les partisans du maintien, c'est le branle-bas de combat
Le lobby bancaire voudrait en effet que le référendum se tienne en 2016, pour ne pas prolonger cette période d'incertitude mauvaise pour le business. Le site spécialisé sur la politique européenne Politico explique d'ailleurs que certaines entreprises et banques, dont HSBC et Deutsche Bank, menacent de quitter la City en cas de victoire de la sortie de l'UE. La confédération des industriels britanniques, la plus grosse association du monde des affaires du pays, a appelé ses membres à se prononcer en faveur d'un maintien dans l'UE, arguant qu'il s'agissait là d'une question "d'intérêt national". Richard Branson, fondateur de Virgin, a pour sa part prévenu que le Brexit serait "un désastre absolu".
Les partisans du maintien dans l'Europe s'activent donc un peu en ordre dispersé. Et pour cause, ils ne s'attendaient pas à ce que les conservateurs obtiennent une telle majorité aux dernières élections générales et comptaient sur un "hung parliament" (un parlement suspendu car sans majorité absolue) pour que le projet de référendum soit abandonné. Or, les urnes les ont pris de court.
Selon Politico, les partisans du maintien devraient lancer une campagne à partir de la fin juin ou du début du mois de juillet, portés par trois lobbies : Influence britannique, Mouvement Européen au Royaume-Uni et Les affaires pour une nouvelle Europe. Le principal mécène devrait s'appeler Lord Sainsbury, PDG de la chaîne de supermarchés éponyme.
• Nigel Farage pourrait coûter des voix aux partisans de la sortie
Le camp du "non", beaucoup plus structuré, a tout de même un handicap, souligné par Simon Tilford, directeur du centre pour les Réformes Européennes : Nigel Farage. "Le leader Ukip veut absolument jouer un rôle central dans cette campagne, mais il reste un personnage très clivant, qui fait fuir les électeurs les plus indécis", explique le lobbyiste. Indécis, le vote le sera sans nul doute, si le scénario du référendum sur l'indépendance écossaise se reproduit. A l'époque, la plupart des électeurs se déclaraient encore "indécis" à une semaine du scrutin. Ce sont ces citoyens qui devraient avoir un impact décisif sur l'avenir britannique, mais aussi européen.