La junte malienne a ordonné jeudi la suspension de la diffusion de RFI et France 24, après la diffusion par ces médias français d'informations selon lesquelles l'armée malienne est impliquée dans des exactions contre des civils. Dans un communiqué daté de mercredi et publié jeudi matin, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga "rejette catégoriquement ces fausses allégations contre les vaillantes FAMa", les forces armées maliennes. Le gouvernement "engage une procédure (...) pour suspendre jusqu'à nouvel ordre la diffusion de RFI (...) et France 24", annonce le communiqué.
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France Médias Monde "proteste vivement contre les accusations infondées"
Jeudi à la mi-journée, RFI avait cessé ses émissions, mais France 24 continuait d'émettre, selon des correspondants de l'AFP. Dans un communiqué, la société publique française France Médias Monde, maison mère de RFI et France 24, "déplore" la décision malienne et "proteste vivement contre les accusations infondées". La société française affirme qu'elle "étudiera toutes les voies de recours pour qu'une telle décision ne soit pas mise en oeuvre".
De son côté, une porte-parole de la diplomatie de l'Union européenne, Nabila Massrali, a jugé la décision de Bamako "inacceptable" et fondée sur des "accusations infondées". Par ailleurs, l'ONG Reporters sans frontières (RSF) a condamné "fermement" la suspension des deux médias français, qui, selon elle, ne fera que "renforcer l'ostracisation du pays".
Paris dénonce cette suspension et pointe des "allégations d'exactions"
La France a dénoncé jeudi des "atteintes graves à la liberté de la presse" au Mali où la junte au pouvoir a ordonné la suspension de la diffusion des médias français RFI et France 24 et pointé de "graves allégations d'exactions" dans le centre du pays. "Elle exprime son inquiétude face aux graves allégations d'exactions qui auraient été commises dans le centre du pays, qui ont été documentées de manière indépendante, et qui ne sauraient être passées sous silence", a relevé la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères en référence à un rapport de Human Rights Watch (HRW).
Une suspension sans précédent au Mali
Une telle suspension de deux grands médias d'information étrangers n'a pas de précédent depuis des années au Mali, plongé depuis 2012 dans une grave crise sécuritaire et politique. RFI et France 24, qui couvrent de près l'actualité africaine, sont très suivies au Mali et dans toute l'Afrique francophone. Selon France Média Monde, les deux médias sont "suivis chaque semaine par plus d'un tiers de la population" malienne.
La junte malienne a signalé ses derniers mois son intention d'exercer un contrôle plus strict sur les médias étrangers. Le 8 février, Bamako avait expulsé un envoyé spécial du média français "Jeune Afrique" quelques heures après son arrivée à Bamako. Pour motiver sa décision jeudi, le gouvernement malien fait référence à un reportage diffusé les 14 et 15 mars par RFI, dans lequel la radio a donné la parole à des victimes présumées d'exactions qui auraient été commises par l'armée malienne et le groupe de sécurité privé russe Wagner.
Le Mali au centre des attentions internationales
Le communiqué cite également une déclaration de Michèle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme le 8 mars, dénonçant des "violations du droit international des droits de l'Homme et du droit humanitaire" au Mali. Le Mali déplore également un rapport de l'ONG Human Rights Watch (HRW) publié le 15 mars et qui dénonçait une "vague d'exécutions de civils" et des pillages opérés par l'armée malienne et les jihadistes dans le centre et le sud-ouest du Mali. Ce rapport faisait état d'"au moins 107 morts civils" depuis le mois de décembre.
Selon HRW, ces exactions auraient été commises par les FAMa en représailles à des pertes militaires infligées par des groupes jihadistes dans divers incidents. L'armée malienne, dont des centaines de membres des forces de sécurité ont été tués au Mali depuis le début des troubles en 2012 est régulièrement accusée d'exactions.
La junte rejette systématiquement toute accusation
La junte arrivée au pouvoir par la force en 2020 rejette systématiquement les accusations récurrentes d'exactions ou de représailles de la part de l'armée et répète que les FAMa "respectent les droits de l'Homme". Dans son communiqué, le colonel Maïga ajoute que le gouvernement "interdit" aux médias maliens "la rediffusion et/ou la publication des émissions et articles de presse de RFI et de France 24" à compter de "l'entrée en vigueur de la mesure de suspension". Les médias maliens répercutent abondamment les informations de ces médias.
Le colonel Maïga estime que "les agissements de RFI et France 24" ressemblent "aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio 'Mille Collines'", qui avait encouragé le génocide au Rwanda en 1994. Le Mali, pays pauvre et enclavé au cœur du Sahel, a été le théâtre de deux coups d'Etat militaires en août 2020 et en mai 2021. La junte militaire au pouvoir est revenue sur son engagement d'organiser des élections rapides pour le retour des civils au pouvoir et revendique sa souveraineté nationale depuis que la communauté des Etats ouest-africains (Cédéao) a infligé au Mali de lourdes sanctions économiques et diplomatiques le 9 janvier.