La société Raytheon, filiale du groupe américain d'aéronautique et de défense RTX, a récemment conclu plusieurs accords avec les autorités américaines en vertu desquels elle devra s'acquitter de plus de 950 millions de dollars. Ces accords font suite à des accusations graves, dont la fraude, la corruption et la violation des lois sur l'armement.
Des poursuites civiles et pénales
"Raytheon a pris part à des montages frauduleux pour tromper le gouvernement américain dans le cadre de contrats portant sur des systèmes militaires critiques et pour remporter des contrats au moyen de corruption au Qatar", a indiqué mercredi Kevin Driscoll, un responsable du ministère américain de la Justice (DOJ), cité dans un communiqué. L'entreprise, poursuivie au civil et au pénal par plusieurs Etats américains en coordination avec le gendarme de la Bourse (SEC), a conclu notamment deux accords dits de poursuites différées (DPA) d'une durée de trois ans. Ils prévoient la désignation d'un superviseur indépendant, un renforcement de son programme interne de conformité, le signalement de tout comportement frauduleux ainsi qu'une coopération dans toute enquête en cours ou à venir, a précisé le DOJ.
Les pratiques incriminées incluent des fausses factures et la corruption d’un haut responsable des Forces armées du Qatar. La SEC a aussi révélé que Raytheon est aussi accusé d’avoir versé des pots-de-vin sous la forme de faux sous-contrats pour remporter des appels d’offres, compromettant ainsi la sécurité nationale des États-Unis et de leurs alliés. Les faits se seraient déroulé entre 2011 et 2017, pour faciliter l’obtention de contrats de défense.
Les autorités américaines, y compris des responsables du FBI, ont pointé du doigt la gravité des faits. Raytheon aurait intentionnellement manipulé des informations pour obtenir des contrats militaires lucratifs, portant atteinte à la sécurité des États-Unis.
Des liens troubles avec le Qatar
L’enquête révèle également que Raytheon a gonflé le prix de plusieurs contrats, entraînant un surcoût de plus de 111 millions de dollars pour le Pentagone. Pire encore, la société a admis avoir facturé deux fois le même contrat au ministère de la Défense américain. Ces pratiques frauduleuses se sont déroulées entre 2009 et 2020, avec une concentration entre 2012 et 2016.
Au cœur des accusations se trouve une relation opaque entre Raytheon et un agent qatari membre de la famille de l’émir. Selon les autorités américaines, Raytheon aurait versé plus de 30 millions de dollars à cet agent, qui n’avait pourtant aucune expertise en matière de contrats de défense.
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Réactions de RTX et provision financière
RTX, la maison mère de Raytheon, a réagi en reconnaissant les responsabilités de sa filiale et en confirmant avoir pris des mesures pour remédier à ces pratiques frauduleuses. Le groupe a provisionné une somme de 918 millions de dollars pour couvrir les éventuels frais liés à cette affaire, portant le total des réserves à 1,24 milliard de dollars.
Ces poursuites avaient déjà été évoquées par le groupe lors de la présentation de ses résultats du deuxième trimestre, en juillet 2023. RTX avait alors mentionné des "paiements inappropriés" effectués par Raytheon et sa filiale Thales-Raytheon Systems (TRS) en lien avec des contrats au Moyen-Orient.
Bien que Raytheon ait coopéré avec la justice, Thales, son partenaire dans la société commune TRS, a rapidement précisé n'avoir reçu aucune demande des autorités américaines ou françaises. Le groupe français de défense a affirmé que cette affaire concerne uniquement Raytheon et ses filiales.
Née de la fusion en 2020 de Raytheon Company et de United Technologies, Raytheon a été rebaptisée RTX à l’été 2023. Malgré ce scandale majeur, l'action de RTX a peu souffert, progressant de 0,09% à la Bourse de New York ce jeudi.